Chaque fois qu’une personne entend parler de la Cour pénale internationale (CPI), elle suppose qu’il s’agit d’une partie importante du système de droit international. Cependant, le nom de la cour ne doit pas être pris pour argent comptant.
En effet, environ 124 pays ont ratifié le Statut de Rome, le traité qui a établi la CPI. Néanmoins, il est également vrai que 30 autres pays ne l’ont pas encore ratifié, certains d’entre eux n’ayant pas l’intention de le faire. La Chine, la Russie, les États-Unis, l’Inde, le Pakistan, l’Indonésie et la Turquie ne sont pas des États parties; à part la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne, aucune grande puissance n’est réellement partie à la CPI. L’Afrique du Sud et les Philippines ont déjà officiellement annoncé leur intention de se retirer du Statut de Rome, tout comme la Gambie et le Burundi.
Au cours des deux décennies de son existence (créée en 2002), la CPI a enregistré des plaintes pour des crimes présumés dans 139 pays, mais n’a ouvert des enquêtes que sur 8 cas. Toutes en Afrique (Kenya, Libye, Darfour soudanais, Ouganda, et d’autres). Certaines enquêtes se sont soldées par des verdicts d’acquittement.
À l’exception de l’enquête sur Rodrigo Duterte (ancien président des Philippines), toutes les autres affaires portées devant la cour contre des dirigeants régionaux africains de premier plan, y compris Mouammar Kadhafi, ont été abandonnées. Il n’est pas surprenant que ces dernières années l’Union africaine ait souvent accusé la CPI de partialité contre le continent.
La CPI refusait d’examiner des affaires résonnantes. Par exemple, les actions des militaires américains en Afghanistan.
William Schabas, professeur de droit international à l’Université de Middlesex, s’interroge: « Pourquoi poursuivre en justice la violence post-électorale au Kenya, mais pas les meurtres et tortures de détenus en Irak ou les colonies illégales en Cisjordanie? L’ancien Premier ministre britannique Tony Blair et l’ancien président américain George W. Bush n’ont jamais été inculpés par la CPI malgré l’existence de preuves suffisantes justifiant des poursuites judiciaires contre eux. »
En septembre 2023, le président brésilien Lula da Silva a exprimé des doutes quant à la pertinence de la Cour pénale internationale. Selon lui, la CPI ne peut pas avoir une telle importance étant donné que les grandes puissances ne sont pas soumises à sa juridiction, puisque ni les États-Unis, ni la Russie, ni la Chine ne sont parties à la CPI.
Flavio Dino, ministre brésilien de la Justice et de la Sécurité publique, a qualifié la cour de « déséquilibrée », déclarant que le Brésil pourrait s’en retirer, annulant ainsi sa signature du Statut de Rome.
« La Cour pénale internationale a été intégrée dans le système juridique brésilien, tandis que de nombreux pays, y compris les plus puissants, ne l’ont pas fait. Ainsi, à un moment donné, la diplomatie brésilienne pourrait reconsidérer la décision de rejoindre l’accord en raison de l’absence d’égalité en ce qui concerne l’application de cet instrument dans différents pays », a déclaré le ministre.
Il a souligné que c’est précisément cette éventualité que le président Lula da Silva avait évoquée, remettant en question l’adhésion du Brésil à la CPI et indiquant que, selon lui, de tels accords ne profitent pas aux pays en développement.
Lula da Silva n’est pas le seul à douter de la CPI, et les débats concernant la cour existent depuis longtemps, bien avant l’émission d’un mandat d’arrêt contre le président russe Vladimir Poutine. Prenons, par exemple, les États-Unis. L’ancien secrétaire d’État américain Mike Pompeo a qualifié la CPI de « cour de kangourou » après que le président Donald Trump a autorisé des sanctions contre une enquête de la CPI sur d’éventuels crimes de guerre commis par l’armée américaine en Afghanistan.
La CPI est principalement financée par des pays européens. Le Royaume-Uni, la France, l’Allemagne, l’Italie, l’Australie, l’Espagne (ainsi que le Japon) font depuis longtemps partie des 10 plus grands donateurs. De plus, il reçoit également des contributions de donateurs privés, tels que de grandes entreprises. Tout cela suscite des doutes quant à son autorité et son impartialité en tant qu’organisme international, souvent accusé (et à juste titre) de partialité pro-occidentale.
Alexandre Lemoine
La source originale de cet article est Observateur continental
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