Auteur : MH
Le temps d’écrans chez les jeunes pose question. Quel parent ne voudrait pas que son enfant soit davantage dehors qu’enfermé dans sa chambre ? En fait, les générations précédentes avaient appris à jouer dehors malgré la présence de la télévision. Maintenant, les enfants sont encabanés et passent de plus en plus de temps sur les écrans. Les mesures sanitaires récentes ont accentué ce phénomène en forçant l’école à se déplacer dans des classes « Zoom ». Mais qui s’est penché sur les effets de ce virage en ligne ?
Bien que des études aient été publiées sur le sujet, leurs conclusions ne sont pas suivies. Nous voulons donner ici un aperçu des effets nocifs du temps d’écran chez les jeunes sur les plans du développement physique, social et du raisonnement, une facette du développement cognitif pour porter un jugement sur la situation. Nous allons percevoir des phénomènes qui ont des incidences plus larges. Et si l’on croit que la jeunesse est l’avenir de notre société alors nous avons des raisons de nous inquiéter.
Écrans et développement physique : une révolution sédentaire
Commençons par parler des effets sur le développement physique des jeunes. Le temps passé sur les écrans leur occasionne un déplacement de temps consacré aux activités physiques1. Bon nombre de parents se plaignent que leurs enfants ne jouent plus dehors comme de leur temps. Les enfants se disent paresseux et restent davantage à l’intérieur de la maison et de leur chambre. Ce déplacement du champ d’intérêt des jeunes affecte leur capacité physique. Ainsi, une étude québécoise publiée en 2022 conclut à « une baisse alarmante de la condition physique cardiovasculaire et de la capacité fonctionnelle dans une population d’enfants et d’adolescents depuis les années 19802 ». Il semble aussi que les adolescents ne veulent plus faire d’efforts physiques. Ils font travailler leurs pouces, mais pas leur bras ni leurs jambes. Cela peut avoir un réel effet sur leur cheminement en emploi. Les travaux manuels n’ont pas autant d’attention positive que les métiers du numérique. Les jeunes enfants disent déjà qu’ils veulent être des « youtubers ».
On assiste ainsi à une révolution sédentaire.
Une socialisation rendue plus difficile
Dans le même temps, si les occasions de se voir entre jeunes demeurent (à l’école, dans les activités parascolaires et dans les autres événements de la vie quotidienne), la socialisation devient de plus en plus virtuelle3,. Ainsi, la socialisation est de plus en plus désincarnée, c’est-à-dire, coupée de l’expression sociale corporelle5. Les jeunes se voient de moins en moins « IRL » (in real life, en vie réelle), ne réalisent pas ou peu d’activités ensemble dans un but commun et ont tendance à rester enfermés dans leur chambre. Les relations sont plus nombreuses… mais de moins bonne qualité. En effet, les conversations en ligne sont généralement superficielles et centrées sur la recherche de plaisirs égocentriques. Certains jeux comme Fortnite peuvent même nourrir un comportement antisocial6.
Cette socialisation désincarnée les isole et les rend davantage vulnérables au contrôle social.
Les effets sur la famille
Dans le même temps, l’usage excessif des écrans fait que les jeunes passent de moins en moins de temps avec leurs parents ce qui réduit leur influence, au point ou le temps en famille semble menacé4. L’écran semble lui-même être devenu un membre de la famille qui a de plus en plus d’influence sur le comportement de l’enfant. Depuis l’apparition de la télévision dans les années 1950, les parents jouent un rôle de second plan dans le divertissement familial. Les écrans modernes dévient encore plus l’attention des jeunes des préoccupations familiales au profit de leurs pairs. L’écran entraine ainsi une diminution de l’autorité parentale au point où elle ne peut quasiment plus intervenir dans le temps privé du jeune.
On peut dès lors se questionner sur la capacité réelle de développer des vertus tels que l’honnêteté, l’empathie et la générosité qui nécessitent une transmission éducative. À voir la réalité, il semble que la connectivité isole plus qu’autre chose.
Et il faut ajouter à tout cela les effets du temps passé sur les écrans sur la santé mentale des jeunes. La Dr Jean Twenge note une augmentation de l’anxiété, de l’isolement social et des comportements autodestructeurs dans la génération Z7. Elle relie cette génération avec l’avènement du téléphone intelligent ou smartphone.
Le téléphone intelligent : une arme de distraction massive?
Alors que de tout temps on a toujours essayé d’inculquer l’importance des relations sociales aux jeunes, la socialisation virtuelle représente une menace à notre héritage8. On sait déjà que le temps passé sur les écrans en soi affecte négativement l’attention, la mémoire et la capacité à réfléchir. Mais elle effectue aussi un déplacement de l’intérêt pour les devoirs et les études.
Par ailleurs, la socialisation virtuelle mine le raisonnement. En effet, la communication en ligne demeure fragmentée et les gens expriment ce qu’ils ressentent. On ne recherche pas la logique. Il s’en suit une pauvreté dans le langage. La recherche de la conformité sociale conditionne la réflexion. Cela prédispose les jeunes à une polarisation dans les idées en fonction de leur attachement à des groupes sociaux en ligne. Il y a aussi le risque de manipulation par l’entremise des hashtags. Des milliers de hashtags encourageaient des jeunes à s’automutiler pendant la pandémie[i]. De là le retour à une ère de croyances fabriquées par des influenceurs qui établissent de nouvelles vérités.
Le smartphone est donc une arme de destruction massive9. Il entraine une révolution des habitudes sociales au sein de nos familles ce qui met nos jeunes en danger. Certains nous disent que cette réalité est déjà inscrite dans une nouvelle normalité et qu’il n’y a pas grand-chose à faire. Si les jeunes passent plus de temps sur les écrans, il faudrait, selon eux, augmenter les ressources en santé mentale. Si nous écoutons ces personnes, la situation va empirer. En effet, les ressources n’augmentent pas assez vite mais surtout elles ne ciblent généralement pas les causes du problème. Si nous ne faisons rien nous aurons à assumer les conséquences de l’appauvrissement et de la manipulation d’une génération par les écrans.
Des solutions, malgré tout
Que pouvons-nous faire ? Il existe quelques pistes de solutions.
La première approche consiste à réduire le temps d’écran de tous au sein de la famille. Ce temps pourrait être réinvesti dans des activités familiales. Un exemple d’une telle approche est le jeûne technologique. Le jeûne consiste à choisir une journée ou la famille bannit l’utilisation des écrans. On peut même songer à bannir les écrans en tout temps, sauf pour les besoins essentiels. Je connais des familles qui se sont débarrassées de leur télévision, symbole ultime de ce qu’est l’écran.
Une deuxième approche consiste à filtrer ce que nos enfants regardent en ligne. Nous pouvons filtrer les thèmes, mais aussi les sites Internet comme YouTube par exemple.
Une troisième approche consiste à se rapprocher de la nature. Certains parents choisissent d’emmener leurs enfants en nature les fins de semaine. Le problème arrive quand les adolescents ne sont plus intéressés parce qu’ils veulent être avec leurs amis.
Une quatrième approche consiste à développer des convictions personnelles par rapport aux écrans, les partager à nos enfants et d’employer le temps repris pour développer notre intelligence au lieu de la gaspiller à recevoir des informations prémâchées.
Enfin, il y a la question de l’école. Plusieurs écoles encouragent l’emploi des écrans en classe et dans la réalisation des devoirs. Ceci cause beaucoup d’ennui aux parents. Pourquoi ne pas considérer des écoles qui n’emploient pas les écrans dans leur cursus académique ? C’est ce que font les personnes aisées.
En résumé, nous devons considérer sérieusement les effets nocifs des écrans sur nos enfants et en prendre acte. Ce faisant, nous répondrons à notre devoir de veiller à leur bon développement.
1 Rowan, C. (2013). The impact of technology on child sensory and motor development. Retrieved March, 10(8), 2017.
2 https://www.lapresse.ca/actualites/sante/2022-12-07/les-enfants-quebecois-a-bout-de-souffle.php
3 Jiang, J. (2018). Teens who are constantly online are just as likely to socialize with their friends offline. Pew Research Center.
4 Steiner-Adair, C., & Barker, T. H. (2013). The big disconnect: Protecting childhood and family relationships in the digital age. Harper Business.
5 Lieberman, A., & Schroeder, J. (2020). Two social lives: How differences between online and offline interaction influence social outcomes. Current opinion in psychology, 31, 16-21.
6 Mescher, M. (2020). The moral impact of digital devices. Journal of Moral Theology, 9(2), 65-93.
7 Twenge, J. M. (2020). Increases in depression, self‐harm, and suicide among US adolescents after 2012 and links to technology use: possible mechanisms. Psychiatric Research and Clinical Practice, 2(1), 19-25.
8 Larchet, J. C. (2016). Malades des nouveaux médias. Editions du Cerf.
9 Hynes, M. (2021), « The Smartphone: A Weapon of Mass Distraction », The Social, Cultural and Environmental Costs of Hyper-Connectivity: Sleeping Through the Revolution, Emerald Publishing Li
[i] https://www.washingtonpost.com/technology/2022/08/30/self-harm-hastags-twitter/
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