C’est avec un peu d’étonnement qu’on apprend dans une presse globalement discrète que, décidément et malgré tout, l’année 2022 aura vu s’installer une surmortalité de plusieurs dizaines de milliers de morts en France.
Voilà qui est peu commun : autant pour l’année 2020 et l’année 2021, on s’attendait à cette surmortalité évidemment causée par la pandémie dont furent si friands les médias pour remplir leurs colonnes et les politiciens pour remplir leurs poches et leurs agendas, autant pour 2022 qui n’a vu ni pandémie (officiellement terminée) ni événement catastrophique majeur, on pouvait s’attendre à un retour à la normale, à ce petit rythme pépère de 1700 morts quotidiens.
Las. Cela ne s’est pas passé du tout ainsi et c’est un peu étonnant qu’on en parle si peu, justement par contraste avec ces deux années précédentes où tous les médias nous tenaient en haleine avec un compte précis de chaque personne qui mourrait, et dont les plateaux télés se remplissaient de “sommités médicales” qui expliquaient, l’œil vibrant de terreur dès que les chiffres se plaçaient résolument au-dessus de ces 1700 morts quotidiens, que la situation était aussi grave que désespérée (ou quasiment).
Par comparaison, en 2022, on a donc constaté 147 morts de trop tous les jours (1849 observés au lieu des 1702 attendus, soit l’équivalent d’un crash de la Germanwings tous les jours) sans que personne ne s’en émeuve vraiment : pas de “sommité” l’oeil tremblant, pas de carte bigarrée des régions en surmortalité évidente, pas de baromètre de la calanche ni de récapitulatif des clabotés.
Autre élément de surprise : zut et flûte, ces morts surnuméraires ne le sont pas à cause du COVID.
Sapristi ! S’agirait-il enfin de ces morts en masse provoquées par le réchauffement dérèglement climatique ? S’agit-il du stress, de jardinage trop intensif, d’un excès de sel dans l’alimentation ou d’une vague de suicides par neurasthénie en écoutant les discours du Président Macron ?
La question s’est posée… Un peu. Les réponses ont été… évasives : en pratique, il y a bien eu nettement plus de morts que prévu, mais “on ne sait pas encore précisément pourquoi”. C’est probablement les reports de traitements de la période Covid qui ne furent pas rattrapés, voire (bien sûr) un délabrement progressif du système de soins français.
Après tout, pourquoi pas.
Ces explications entraînent malheureusement d’autres questions, comme, par exemple, “pourquoi a-t-on observé la même chose dans d’autres pays ?” … En Espagne, en Allemagne, en Italie, on observe la même étrange surmortalité qui décolle, dans tous ces cas, toujours à peu près au même moment. Tout se passe comme si l’année 2020 marquait un emballement soudain de la mortalité dans différents pays occidentaux.
Concernant le Canada, l’Australie et le Royaume-Uni, on pourra regarder l’intéressante vidéo suivante du Dr. Campbell qui a, depuis le début de la pandémie, opéré un suivi très documenté de ce qui se passe en prenant le parti de n’utiliser exclusivement que des sources officielles et non discutables.
Au passage, on notera que l’analyse des données canadiennes par le Pr Fenton, statisticien de renom, qu’on pourra lire ici, ne laisse pas trop de place au doute : il y a bel et bien une surmortalité marquée, que les bidouilles statistiques frénétiques des institutions officielles ne parviennent pas à faire disparaître (il faut dire que 5 à 10 sigmas d’écart-type pour ce qui est observé actuellement selon les données, c’est une belle bosse qu’il est difficile de cacher sous un tapis aussi moelleux soit-il).
En Allemagne, une étude parue récemment s’est penchée sur le phénomène, en essayant de le quantifier aussi précisément que possible. Ses intéressantes conclusions méritent une petite citation :
“Ces résultats indiquent que quelque chose a dû se produire au printemps 2021 qui a conduit à une augmentation soudaine et durable de la mortalité, alors qu’aucun effet de ce type n’avait été observé jusqu’à présent au cours de la première pandémie de COVID-19.”
Oui, quelque chose a dû se produire, et, plus fort encore, dans plusieurs pays à la fois et à peu près en même temps.
Si l’on s’en tient aux thèses développées par la fine fleur du journalisme français, apparemment, tous les habitants de ces pays ont subi, dans des proportions et des temporalités très comparables, des reports de traitement et, coïncidence encore plus troublante, tous constatent aussi un délabrement de leur système de soin dans des proportions étonnamment similaires au système de santé français que le monde nous envie et que ces petits cachotiers nous avaient finalement copié, dirait-on.
Néanmoins, alors que pour les autorités, le mystère est – bien sûr – presque total, on devra vraiment s’interroger sur ce qui a bien pu provoquer une telle surmortalité dans des pays si éloignés les uns des autres, tous à peu près en même temps, et dans des proportions proches. Notamment lorsqu’on épluche la mortalité des jeunes de moins de 15 ans, qui dépasse ce qu’on observait depuis des années, des décennies, partout en Europe : on est, très bizarrement, passé d’une surmortalité faible (et même négative en 2020) à une surmortalité soutenue en 2022 pour une population qui, normalement, est plutôt en bonne santé.
Au-delà de conditions climatiques, de délabrements malencontreux de systèmes hospitaliers, de retards dans les soins et les diagnostics (qui expliquent fort mal ce qu’on observe chez les moins de 15 ans, au passage), l’observation d’un nombre anormalement élevé de myocardites et de troubles cardiaques divers ajoute son lot de questions au reste du tableau.
Mais que diable se passe-t-il donc ?
Ces éléments, et cette ignorance de plus en plus compacte de toutes les autorités de tous ces pays, imposent de parler, à nouveau, d’une malheureuse épidémie de coïncidences comme de précédents billets en firent mention il y a quelques mois.
Oui, il faut se rendre à l’évidence : quelque chose s’est passé dans le courant de 2021 qui, lentement mais sûrement, a provoqué un paquet de décès supplémentaires en 2022 dans un grand nombre de pays occidentaux. Mais voilà : l’imagination laisse une page blanche, l’esprit plein de conjectures et de questions. On se demande vraiment ce qui a provoqué tout ça.
Tout ceci, c’est vraiment de la malchance, voire du Padbol™ de qualité chimiquement pure !
Tout au plus pourra-t-on se réjouir que les médias ne se sont absolument pas emparés de ces questions qui restent sans réponse : alors qu’ils nous ont largement habitués à surgonfler les problèmes pour exciter nos peurs, que la moindre bourrasque de vent, la moindre pluie, la moindre période de chaleur ou de froid un peu rude déclenchent chez eux une farouche envie de nous expliquer pourquoi, quand et comment l’apocalypse climatique va arriver, cette surmortalité constatée un peu partout en Occident n’a pas du tout déclenché les mêmes comportements…
Certes, quelques articles sont parus dans quelques journaux pour relater, fugacement, les excès observés. Mais aucun n’a voulu montrer que la tendance était observée dans d’autres pays occidentaux. Aucun journal n’a eu le toupet d’enquêter, d’aller demander des comptes aux politiciens, aux statisticiens officiels, aux autorités de santé.
Jouant sans doute la carte de l’apaisement, de la modération, d’une prise de recul saine devant des données encore si pleines de questions, nos médias ont fort aimablement et fort professionnellement limité le sujet à sa plus simple expression avant de bien vite retourner aux sécheresses asymptomatiques du moment.