Difficile de se repérer avec cette carte aujourd’hui. | Gough Kaart via Wikimedia Commons (Domaine public, Bodleian Library)
Il n’y aurait pas que l’île mythique de Platon qui aurait sombré, submergée par les flots, il y a plusieurs milliers d’années.
On raconte que le royaume perdu de Cantre’r Gwaelod (Les cents pays bas, en français) a été englouti par les vagues il y a plusieurs milliers d’années. Pendant des siècles, des rumeurs ont circulé au sujet de cette ancienne contrée qui aurait un jour existé sur deux îles de la baie de Cardigan, au Pays de Galles.
Certains pensaient que le gardien de cette «Atlantide galloise», ivre, n’aurait pas surveillé les digues, laissant ainsi les terres se faire inonder. Le mythe raconte par ailleurs que certains soirs calmes, on pourrait encore entendre sonner les cloches de l’église immergée.
Si l’on peut avoir quelques doutes sur cette dernière histoire, il se trouve que l’«Atlantide galloise» n’est peut-être pas juste une légende. Deux chercheurs ont accumulé différentes preuves qui attestent que l’existence des deux terres perdues serait possible, rapporte Vice: pour étayer leur théorie, ils se sont notamment basés sur la lecture de la plus vieille carte médiévale des îles britanniques, sur le folklore local, sur des études de terrain ou encore sur des examens géologiques.
L’analyse de Simon Haslett, professeur émérite de géographie physique de l’université de Swansea, au Pays de Galles, et de David Willis, professeur de celte à l’université d’Oxford, a initialement été publiée dans Atlantic Geoscience. «Cette étude propose un modèle de l’évolution de la côte à l’ère post-glaciaire, ainsi qu’une explication sur la disparition des îles “perdues”», y indiquent les scientifiques.
«Les légendes concernant des paysages de plaine côtière aujourd’hui “perdus”, non seulement dans la baie de Cardigan mais aussi en Cornouailles, en Bretagne et ailleurs, présentent un intérêt géomythologique particulier», constate l’équipe.
Engloutie par la montée des eaux
Les chercheurs se sont appuyés sur la carte de Gough, qui aurait été dessinée autour du XIVe siècle et qui est considérée comme la plus ancienne carte des îles britanniques encore existante. En la comparant avec les écrits du cartographe romain Ptolémée (IIe siècle), Simon Haslett et David Willis ont constaté que la distance entre le rivage et les deux îles ne correspondait pas. Cet écart suggère donc que le phénomène d’érosion a affecté la côte galloise et la baie de Cardigan.
Pour valider cette hypothèse de l’existence d’une Atlantide galloise, les deux hommes ont alors évalué les changements du littoral lors du dernier âge glaciaire. Au cours des 10.000 dernières années, les glaciers ont en effet reculé, favorisant la montée des eaux.
L’érosion glaciaire aurait abaissé le niveau du sol et créé des formations de galets et de roches. Les forces géologiques ont par la suite accentué ces changements topographiques et ont constitué des passages, appelés «sarns», entre terre et mer.
Sur la carte de Gough, l’emplacement des deux îles énigmatiques coïncide avec deux sarns: Sarn Cynfelin et Sarn y Bwch. Cette explication est également corroborée par les légendes urbaines transmises de génération en génération. Selon les deux chercheurs, «l’érosion de deux îles était terminée au milieu du XVIe siècle, car elles n’apparaissent plus sur les cartes de l’époque».
Entre récit populaire et analyse scientifique, la légende du royaume de Cantre’r Gwaelod continue donc d’être alimentée. Et d’autres recherches sur des terres englouties pourraient encore voir le jour.