Mercredi 7 juin dans la soirée, le Sénat poursuivait l’examen du projet de loi d’orientation et de programmation pour la justice pour la période 2023-2027. Et nos sénateurs ont adopté l’article 3 comportant diverses dispositions sur la procédure pénale, en particulier l’extension des perquisitions de nuit ou l’activation à distance des téléphones portables à l’insu ou sans le consentement de son propriétaire. On ne remerciera jamais assez les LR d’être complices de cet acte liberticide. Alors que les médias français se sont faits discrets, sur la question, c’est donc une publication russe, sous la plume de Valeria Verbinina, qui nous en dresse tous les bienfaits … Notre téléphone portable peut ainsi, à tout moment, devenir un escroc-informateur, transmettant tous nos secrets aux forces de l’ordre et donc, au ministère de l’Intérieur. Ce n’est donc pas en Russie, toujours suspecte d’être un état policier, mais en France qu’une telle loi a été adoptée. Mais comment cette innovation se justifie-t-elle ? Qu’en disent les militants des droits de l’homme et comment sera-t-elle mise en œuvre d’un point de vue technique ?
Le Sénat français a approuvé une loi élargissant les droits de la police. En particulier, la portée des recherches de nuit est élargie et l’autorisation est donnée pour l’activation à distance des téléphones portables sans le consentement du propriétaire. Le terme pour le moins vague « activation » signifie que la police pourra recevoir des données du microphone ou de la caméra de l’appareil si elle le juge nécessaire. En fait, cela signifie qu’à tout moment la caméra et le microphone de votre téléphone peuvent être allumés à votre insu et commencer à fournir des informations sur ce que vous dites à haute voix, ce qui se dit près de chez vous, ce que vous faites, où vous êtes, ce que les gens font ou veulent faire à votre proximité, etc.
Il convient de noter que personne ne discute de cette question, même du côté technique, alors que certaines difficultés pourraient apparaître lors de la connexion de la police à des appareils de différentes marques. En outre, les lois françaises permettaient déjà de faire cette surveillance, mais uniquement par les agents de renseignement et à des fins de renseignement.
Désormais, la police aura les mêmes droits que les officines de renseignements
Par rapport aux officines de renseignement, la police se présente comme un organe beaucoup plus démocratique. Par ailleurs, les gens ordinaires ont beaucoup plus de probabilité d’être à son contact qu’à celui d’agents du renseignement.
La France est un pays où le peuple se montre, en règle générale, extrêmement sensibles à toute volonté de porter atteinte aux droits et intérêts des citoyens. Or, avec cette nouvelle loi, on aborde franchement la question de la violation des secrets de la vie privée, un thème pourtant très sensible en Occident. Du coup, on s’attendrait à une polémique de grande ampleur dans les médias français. Or, ce n’est pas le cas et c’est ce qui constitue sans doute le constat le plus intéressant.
Selon des journalistes, l’article de loi, qui affirme le droit de transformer effectivement un téléphone personnel en outil d’espionnage de son propriétaire, est apparu de façon soudaine. Ensuite, cette décision s’est produite à la veille des vacances traditionnelles des avocats, y compris ceux qui ont l’habitude de surveiller et de discuter publiquement des initiatives législatives de l’État.
Les perquisitions de nuit autorisées
Auparavant, les parlementaires s’étaient concentrés sur un autre article concernant l’espace public : l’autorisation des perquisitions nocturnes. Historiquement en France, le domicile d’une personne la nuit est considéré comme inviolable. Il faut de très bonnes raisons pour que les forces de l’ordre viennent chez un citoyen, précisément, entre 21h et 6h. Un tel comportement n’était considéré comme justifié que dans les affaires de terrorisme ou de crime organisé. Désormais, la police, avec l’aval du procureur, peut procéder à des perquisitions nocturnes et à d’autres actes d’investigation au cours d’une l’enquête portant sur tout crime contre la personne et ce afin « d’éviter le risque d’attentat à la vie… ou encore lorsqu’il existe une possibilité de destruction immédiate des preuves d’un crime qui vient d’être commis, ou enfin lorsqu’une arrestation du criminel est requise. D’un point de vue « philistin », tout semble plus que logique. Cependant, l’on sait que les avocats sont des gens qu’on ne nourrit pas avec du pain, mais qu’on laisse juste trouver à redire à un gribouillis ou à une formulation inexacte. Les connaisseurs du sujet se sont donc penchés sur la question des perquisitions nocturnes et avaient déjà commencé à discuter de diverses subtilités. Mais ensuite, un nouvel article de la loi – beaucoup plus intéressant – leur est tombé comme de la neige sur la tête : l’activation à distance d’un téléphone.
Les parlementaires, les avocats et les fonctionnaires sont hors du champ du nouveau texte
Deux façons de procéder sont mises en place. La première a pour but d’établir simplement la géolocalisation d’une personne. L’autorisation de cette action est délivrée par le procureur ou l’enquêteur s’il s’agit d’un crime passible d’au moins cinq ans de prison. La deuxième façon est la même « activation à distance » des caméras et du microphone du téléphone, lorsqu’il s’agit d’enquêter sur des actes de terrorisme ou sur les actions de membres du crime organisé. Dans le même temps, le projet de loi interdit d’entendre et d’enregistrer les députés, les avocats et les fonctionnaires.
Dans d’autres circonstances, les médias nationaux ou locaux n’auraient pas manqué l’occasion de surfer au moins sur le fait que les fonctionnaires ou les députés – selon le texte de la loi – pour une raison quelconque ne peuvent pas être des terroristes ou des représentants du crime organisé, contrairement, par exemple, à des bibliothécaires ou à des plombiers pour lesquels il faut de montrer davantage méfiants.
Les auteurs de la loi ont réussi à choisir le bon moment pour la présenter au public et, par conséquent, le projet de loi n’a pas provoqué un large tollé public. L’affaire s’est limitée à quelques documents explicatifs qu’il s’agit d’une mesure contre les terroristes et les criminels dangereux, et que les citoyens ordinaires n’ont rien à craindre. Les sénateurs français ont adopté la loi, mais avec des amendements. Par exemple, la définition de la géolocalisation ne serait autorisée que dans le cas des délits les plus graves, susceptibles d’une peine punie d’au moins de 10 ans de prison. Et « l’activation à distance » serait interdite dans de nombreux endroits : les cabinets de médecins, de notaires, dans les locaux et appartements des journalistes, etc.
Le ministre de la Justice, Eric Dupont-Moretti – qui a activement promu la nouvelle loi – a souligné qu’elle ne semble apporter rien de nouveau : les écoutes téléphoniques et les enregistrements de caméras extérieures sont depuis longtemps activement utilisés dans les enquêtes, et en général, les opposants à la loi se comportent comme « comme si la lune venait d’être découverte ». Cependant, les découvreurs de la lune ont leurs propres motifs d’inquiétude : « Cette loi ouvre la possibilité de surveiller tout le monde », a déclaré le sénateur Guy Benarrosh du parti écologiste. Bien que la gauche et les verts aient tenté de faire échouer le projet, la loi a néanmoins été adoptée : ce qui signifie qu’elle commencera bientôt à être mise en œuvre dans la pratique. Et bien que les Français soient une nation scrupuleuse, notamment en ce qui concerne la jurisprudence, l’application du texte soulève de nombreuses questions.
La justice française vient d’ouvrir la boîte de Pandore
Car chaque jour, presque n’importe quel citoyen croise des dizaines, voire des centaines de personnes. Et rien ne garantit que parmi ces dizaines et centaines de personnes, il n’y aura pas quelqu’un qui attirera l’attention de la police pour les diverses raisons mentionnées ci-dessus. Ce qui signifie que son cercle de connaissances sera étudié avec une attention particulière. Pourquoi perdre du temps à collecter des données quand vous pouvez simplement accéder au smartphone de n’importe qui et découvrir de quoi il parle, ce qu’il fait, où il va, avec qui il traîne.
Nos téléphones stockent également nos données, notamment les données de cartes bancaires, les correspondances dans les messageries instantanées, les photos de chats, et parfois des photos qui peuvent facilement devenir un motif de chantage. Toute personne ayant accès au smartphone de quelqu’un d’autre a la possibilité d’utiliser toutes les informations qu’elle fournit – et il est loin d’être certain que cela ne se fera qu’à des fins juridiquement compatibles.
Dès lors, beaucoup sont déjà persuadés que la justice française a ouvert la boîte de Pandore. Oui, les téléphones portables font depuis longtemps partie intégrante de nos vies. Cependant, si votre téléphone se transforme en un outil de surveillance pouvant être utilisé contre vous à tout moment, le concept même de confidentialités disparaît tout simplement. Plus rien n’est secret. Et il n’y a aucun moyen de se protéger des regards – sauf de jeter le téléphone, ce qui est presque impossible dans notre vie ou à devenir un avocat français. Mais, hélas, cette option n’est pas accessible à tout le monde !
Source : https://lecourrierdesstrateges.fr/2023/06/12/les-telephones-portables-vont-espionner-tout-le-monde-par-valeria-verbinina/