Une étude évalue pour la première fois à l’échelle de la France l’impact global de pesticides, hormones, résidus médicamenteux et autres hydrocarbures rejetés par l’activité humaine et que les stations d’épuration des eaux usées ne peuvent pas éliminer.
Les stations d’épuration ont pour mission de réduire les teneurs en carbone, azote et phosphore des eaux usées provenant de l’activité des ménages et du tissu économique. Mais de nombreuse autres molécules entrant dans la composition de produits domestique, médical, industriel, agricole passent à travers les systèmes de dépollution sans être complètement détruits. Ces micropolluants, car présents à des concentrations très faibles, sont en partie de nature organique. Certains sont des perturbateurs endocriniens (agissant sur le système hormonal) et d’autres des cancérigènes. Les métaux comme l’arsenic, le zinc ou l’aluminium constituent la famille des inorganiques qui peuvent provoquer des cancers, des atteintes au système nerveux, des troubles gastriques. En France, la masse totale des seuls micropolluants organiques invisibles présents à quelques nano- ou microgrammes par litre d’eau est estimée à 146 tonnes par an selon le syndicat national des entreprises de traitement de l’eau Synteau.
La liste des substances rejetées dans nos toilettes et éviers, le lessivage des rues, les usages de l’eau dans les process industriels, les hôpitaux et laboratoires d’analyse médicale est extrêmement longue. Le centre d’enregistrement des produits chimiques mis sur le marché selon les exigences de la directive REACH (acronyme anglais de Enregistrement, évaluation, et autorisation des produits chimiques) compte pas moins de 20.000 molécules déclarées commercialisées et leur nombre ne cesse de grimper. La directive européenne sur l’eau a identifié 45 familles de substances devant faire l’objet d’un plan de « recherche et réduction des rejets de substances dangereuses sur l’eau » ciblant les principaux points d’émissions des polluants, comme par exemple les hôpitaux pour les médicaments. Que deviennent-elles une fois consommées et rejetées dans le « tout à l’égout » ? L’étude que vient de publier Water research jette une première lueur
Ces micropolluants sont responsables de la disparition d’une espèce vivante à chaque décennie
« On a commencé à se préoccuper des pesticides dans les années 1960 mais c’est à partir des années 2000 seulement qu’on a commencé à s’intéresser à la présence et à l’effet de ces autres substances sur les sols, l’air, l’eau », expose Dominique Patureau, chercheuse à l’Institut national de la recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) de Narbonne et co-autrice de l’article. Des mesures effectuées directement dans les rivières mais aussi dans des cours d’eau reconstitués (des mésocosmes) où l’on peut plus facilement contrôler les effets délétères d’une substance sur des poissons et des organismes aquatiques ont permis de mieux évaluer l’effet des substances les plus préoccupantes. « Une base de données a ainsi été conçue par une équipe internationale de chercheurs regroupant des données de devenir, d’exposition et de toxicité sur près de 3000 molécules ; c’est cette base de données que nous avons utilisée dans nos travaux« , précise Dominique Patureau.
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