Quelques jours se sont écoulés depuis les résultats des dernières élections législatives, élections qui n’ont surpris que les macronistes, toujours aussi perchés. Pour les autres, le net recul du parti présidentiel traduit enfin un peu l’agacement du pays vis-à-vis du locataire de l’Élysée.
Pour la presse qui n’insiste pas assez sur le vide abyssal des programmes, des élus et des urnes avec une abstention à près de 54%, les résultats montrent une vague bleue marine et démontreraient la force de la gauche lorsqu’elle s’unit. L’actuelle Assemblée promettrait donc un véritable renouvellement politique, voire apporterait une preuve que la démocratie française fonctionnerait encore.
Cependant, une fois écartés les poncifs journalistiques, la réalité apparaît, ne laissant que peu de doute sur l’aspect artificiel des changements et des succès que cette presse nous vend avidement.
Force est en effet de constater que ni Macron, ni Mélenchon ne peuvent réellement revendiquer de victoire : malgré de grands renforts de rassemblements et de larges ouvertures de bras accueillants, tant le fourre-tout centriste macronien que le bric-à-brac inclusif mélenchonesque ne sont pas parvenus à obtenir la majorité absolue. 245 députés pour le petit Cron, 137 pour le gros Chon, on est loin des brillances de 2017 et des prédictions humides du Jean-Luc de la semaine dernière.
On saluera avec joie le départ nécessaire et jamais assez violent de certains députés et ministres (Ferrand, Montchalin, Bourguignon) emblématiques d’une Macronie bien sirupeuse. On constatera aussi la montée du Rassemblement national qui, avec 89 élus, aura le nombre requis pour faire un peu de bruit à l’Assemblée : plus nombreux que LR, que LFI, que le PS ou les Verts, et surtout plus nombreux qu’une NUPES, morte un jour après son élection.
Eh oui : le patchwork de gauche bricolé ces dernières semaines ne parvient pas, malgré tout, à faire tomber la majorité présidentielle et Mélenchon, qui expliquait la semaine dernière attendre le moment où Macron lui téléphonerait pour qu’il soit nommé Premier ministre devra renoncer au coup de fil libérateur. La retraite s’impose pour le vitupérant septuagénaire. Pire : son assemblage pittoresque constitué à la volée pour ces élections part déjà en capilotade, et Jean-Luc va vite pouvoir s’occuper de son jardin.
Dès lors, une question amusante se pose : la Commission des finances à l’Assemblée échappera-t-elle aux mélenchonistes et écherra-t-elle aux marinistes ?
En tout cas, Macron va maintenant devoir composer avec une Chambre qui ne fera pas qu’enregistrer ses décisions. Le En-Même-Temps devra-t-il mettre le turbo ?
En réalité, ça ne devrait pas trop poser de problème à l’actuel Président : en se posant comme ♪ garant de la démocratie patati ♩ , de la République ♫ et des institutions patata ♬ ou comme l’ultime rempart contre les extrêmes de droite et de gauche, il n’aura pas trop d’efforts à faire pour trouver les cinquante députés qui lui manquent actuellement. Il pourra aller les piocher soit sur la gauche molle, cette vésicule socialiste qui compte encore plus d’une quarantaine de députés, soit sur cette droite molle de près de 80 députés, tout en crachant à la fois sur le RN et sur LFI en fonction des thèmes, des lois et des besoins d’actualité (et de l’envie – ce n’est pas comme si Macron avait toujours fait preuve d’une diplomatie toute en finesse par le passé, n’est-ce pas).
Ainsi, la mollidroite viendra en renfort lorsqu’on parlera retraite ou modification à la hache des zacquis sociaux, et la lymphagauche volera au secours de tout projet progressiste à la sauce GPA, genderfluide ou foutrement Gaïa compatible. La vie politique française va imposer davantage encore de petites combines et de bidouillages en coulisse, mais il est raisonnable d’imaginer que les idées macronesques finiront par passer.
Pour aider cette tactique assez peu machiavélique et très évidente, une idée pourrait consister à piocher un premier ministre de la mollidroite, et quelques ministres de la lymphagauche, ce qui aura le mérite de faire hurler un peu tout le monde sans poser de réel danger, tout en divisant (pour mieux régner) à peu près tous les principaux blocs parlementaires.
Il va de soi qu’une telle proposition aboutira à pousser le pays encore plus loin dans tous ses délires récents, et ne participera en rien à l’en sortir. On ajoutera simplement une bonne dose de clowneries parlementaires et d’éclats politiciens mais le résultat sera à peu près le même, avec des couleurs saturées au lieu du pénible pastel pondu par les abrutis mielleux de la précédente législature dont la valeur ajoutée a été parfois nulle et le plus souvent phénoménalement négative.
Ainsi, soyons réaliste : qui peut en effet croire que le prochain budget sera miraculeusement équilibré ou vaguement raisonnable compte-tenu de la situation économique et politique du pays ? Tout indique que ce qui importe ne sera pas traité, que les gabegies vont continuer, que le pognon gratuit va couler à flot encore un moment.
Qui peut croire que les tentatives de pousser à nouveau des iniquités telles que le pass vaccinal seront vraiment arrêtées par des députés conscients des dérives ? Lesquels, sérieusement ? Ceux qui étaient déjà là, à la législature précédente et se sont aplatis lâchement ? Les nouveaux, dont les promesses n’engagent que les électeurs ? Fonder des espoirs sur ceux qui pourraient effectivement s’opposer à la marche cadencée du pouvoir macronien semble un pari audacieux de nos jours, tant la médiocrité politique s’est à présent installée partout et que cette médiocrité ne veut rien tant que le pouvoir, pour le pouvoir en lui-même. Et si les iniquités permettent de l’accroître, pourquoi s’opposeraient-ils ?
Du reste, c’est tout l’intérêt de cette nouvelle Assemblée que de montrer l’abyssale médiocrité de notre appareil politique : élus par une minorité de Français, par dépit (faute de mieux) ou par haine de l’adversaire du moment, rares sont les députés qui peuvent prétendre incarner le désir de ses électeurs et le soutien à leur programme ou à leurs idées, ou quoi que ce soit d’autre qu’un rejet.
L’Assemblée issue de ce scrutin est une Assemblée bâtie sur la minorité, le rejet et la division.
Forcément, ça va bien se passer.