Dans un court fil twitter posté ce jour, le Colonel Jacques Hogard, que les lecteurs du Courrier des Stratèges connaissent par l’entretien qu’il a accordé à notre titre, écrit:
“#Ukraine️ On me rapporte que lors d’une inspection récente du 5ème RD à Mailly, le général #Collet IAT aurait déclaré que « l’armée devait être convaincue que non seulement il fallait se préparer au combat mais que la guerre était inévitable avec la Russie »!
Si ces propos sont exacts, il s’agit là d’une déclaration aussi grave qu’irresponsable. Le rôle des chefs militaires n’est pas d’être de dociles va-t-en-guerre inféodés à l’@NATO! Ces déclarations sont inadmissibles.
Ce général aurait également déclaré que les Russes auraient perdu 20000h en 2 mois d’opérations en Ukraine! De 2 choses l’une, soit ce général a de très mauvaises sources, soit il agit comme un agent de propagande de l’OTAN et du régime de #Zelensky. Ça manque de sérieux tout ca!”
Nous avions déjà signalé hier l’Ordre du Jour du Chef d’Etat Major des Armées, le Général Thierry Burkhard, daté du 22 avril dernier, où l’on peut lire: “Ce que nous apprend la guerre en Ukraine, c’est que nous avons changé d’époque, d’échelle et d’enjeux. Chacun doit faire le nécessaire pour s’y préparer. Le moment venu, nous n’aurons pas le droit de ne pas être au rendez-vous.” Et nous demandions: Simple posture ou bien évocation d’un potentiel engagement français plus marqué? La déclaration du Général Collet fait pencher la balance du côté d’un engagement français plus marqué.
Alors, y a-t-il une politique officielle qu’on nous cacherait? Le Président de la République qui briguait encore, il y a quelques jours, sa réélection, aurait-il oublié d’avertir les Français qu’il voulait les entraîner dans une guerre contre la Russie sans les avoir prévenus quand il en avait l’occasion?
On imagine bien, en effet, que le résultat de l’élection n’aurait pas été le même dans ce cas !
Il y a malgré tout une grosse incohérence dans les propos rapportés du Général Collet. Le chiffre de 20 000 soldats russes blessés graves et tués représenteraient des pertes absolument gigantesques puisqu’on peut estimer que les Russes ont massés 200 000 hommes aux frontières de l’Ukraine avant le 24 février mais n’en ont utilisé qu’entre 80 et 100 000 pour la bataille elle-même (hors troupes des deux républiques sécessionnistes de Lougansk et de Donetsk). On serait donc à plus de 20% de pertes. C’est un taux d’attrition que l’armée russe ne pourrait pas soutenir sans que l’on ait observé des mouvements de troupes et de recrutement beaucoup plus importants. Et l’on pense bien que les Occidentaux ne se seraient pas privés de montrer des images satellites. Par conséquent, de deux choses l’une, soit le chiffre avancé par le Général Collet est exact et l’armée russe ne représente pas un danger pour le reste de l’Europe. Soit le chiffre est pris à la propagande ukrainienne et OTANienne et il contribue à un aveuglement général sur l’armée russe. Et dans ce cas, il est pour le moins imprudent de lancer l’armée française dans une aventure à l’issue incertaine contre une armée russe redoutablement efficace, (une fois effectués les ajustements tactiques du début de la guerre, comme Scott Ritter l’explique dans l’article récent que nous citions hier).
En tout cas, on opposera aux déclarations de certains hauts gradés français, celles de ces généraux italiens qui ont pris position ces derniers jours. Comme le rapportent plusieurs médias:
“Le général Leonardo Tricarico, ancien chef d’état-major de l’armée de l’air italienne et actuel président de la fondation ICSA, a déclaré à propos du conflit en Ukraine : « La neutralité ? Je suis tout à fait d’accord avec cela. Et je pense qu’avant de mettre à exécution les menaces d’extension du conflit à l’OTAN de part et d’autre, nous devons faire en sorte que ce conflit se termine. Et de ce point de vue, je ne vois personne qui s’engage, au contraire, je vois toute une série de pyromanes qui font exactement le contraire ».
Il a ajouté : « Tout d’abord, notre pays devrait tout faire, et je ne vois pas qu’il le fait, pour que le conflit puisse se terminer. Quand je dis « tout faire », je veux dire que nous devons nous mettre d’accord avec d’autres pays européens, notamment la France et l’Allemagne, sur une position commune vis-à-vis des pays belligérants menés par les États-Unis, pour qu’ils cessent leurs manoeuvres, pour qu’ils favorisent un cessez-le-feu et des négociations, même au risque de perturber nos relations avec les États-Unis ».
C’est un conflit dont nous devons essayer de nous tenir à l’écart le plus longtemps possible », a déclaré Marco Bertolini, lieutenant général de l’armée italienne à la retraite (…) « Dans le milieu catholique, il y a toujours eu un débat pour savoir si une guerre est juste ou non. Beaucoup de théologiens en ont discuté, Saint Augustin, Saint Thomas d’Aquin, et ont dit quels étaient les critères d’une guerre juste ou injuste. – se souvient le lieutenant-général qui commandait les forces spéciales. – Je pense que pour qu’une guerre soit considérée comme juste, elle doit avant tout être « notre » guerre. Et celle-ci ne l’est pas ».”
Source : Le Courrier des Stratèges