L’hégémonie du vaccin sur les autres thérapies ne date pas du Covid. Les experts et les fonctionnaires sont une cible bien rodée pour les labos, explique le journaliste scientifique Xavier Bazin.
Nous sommes le 28 juillet 2017, à Washington. Un groupe de 15 experts, convoqué par la FDA (organe fédéral de contrôle des médicaments), doit rendre un avis officiel sur un nouveau vaccin adulte contre l’hépatite B. Cela fait la troisième fois en cinq ans que la FDA réunit un comité d’experts sur ce vaccin controversé de l’entreprise Dynavax[1].
Il faut savoir que le vaccin déjà sur le marché, Engerix, était lui-même très controversé, et soupçonné de causer des cas de sclérose en plaques[2]. C’était un vaccin de nouvelle génération, créé par génie génétique (une protéine recombinante produite sur une levure OGM[3]) et qui contenait de surcroît de grosses quantités d’aluminium.
Impressionnante série d’effets secondaires graves…
Le nouveau produit de Dynavax, lui, ne contenait pas d’aluminium, mais un adjuvant totalement nouveau, encore jamais expérimenté. Alors, était-il plus sûr que le controversé Engerix ? Pas du tout !
On le sait avec précision, car le nouveau vaccin Dynavax n’a pas été comparé à un placebo — comme souvent, hélas — mais au vaccin existant Engerix. Résultat : il a causé plus d’effets indésirables « immédiats » (douleurs au point d’injection, maux de tête, etc.)[4]… et plus d’effets indésirables graves !
Dans l’essai clinique réalisé sur 8 000 patients, 9 ont développé des maladies immunitaires sérieuses (une «paralysie faciale» dans 5 de ces cas) — contre 1 seul dans le groupe qui a reçu l’Engerix. Encore plus inquiétant : il y a eu 7 infarctus dans le groupe du nouveau vaccin, contre 1 seul avec l’ancien.
Cela veut dire que vous avez peut-être 1 risque sur 500 d’avoir un infarctus avec ce vaccin ! C’est considérable, surtout quand on sait que l’hépatite B est une maladie peu fréquente et dont les conséquences ne sont presque jamais sérieuses chez les patients en bonne santé.
…mais le nouveau vaccin est déclaré «sûr»
Et pourtant, savez-vous ce qu’ont décidé les experts, ce fameux 28 juillet 2017? Aussi incroyable que cela puisse paraître, ils ont conclu que ce vaccin était « sûr », à la quasi-unanimité ! Malgré tous les signaux inquiétants[5], 11 ont voté « oui », 1 seul a voté « non », et 3 se sont abstenus.
Et c’est ainsi que ce vaccin a reçu une autorisation de mise sur le marché américain… puis européen.
Étonnant non ? En réalité, pas tant que cela, si l’on regarde plus précisément le profil de ces experts. Au total, au moins 7 des 15 experts du panel avaient des liens d’intérêts majeurs avec l’industrie pharmaceutique, et les géants du vaccin en particulier.
Qui étaient ces 15 experts ? Surprise surprise !
Cela vaut la peine de les examiner en détail, car c’est très révélateur de la façon dont les vaccins sont approuvés. Prenons d’abord les Drs Levy et Monto. Leur situation est d’autant plus significative qu’ils ont par la suite participé aussi au panel qui a approuvé des vaccins contre le Covid.
Eh bien, le Dr Monto a déclaré des « contrats de consulting » avec GSK, Novartis, Solvay et Baxter, et a reçu des fonds de Sanofi, Pfizer et GSK. On peut difficilement tisser des liens plus intimes avec Big Pharma. Quant au Dr Levy, non seulement il a aussi un contrat de consulting avec GSK, mais il est l’inventeur de brevets pour des adjuvants vaccinaux ! C’est dire s’il n’a pas intérêt à se montrer trop sévère dans l’approbation de nouveaux adjuvants, fussent-ils douteux, comme celui de Dynavax !
Pour les autres experts en conflit d’intérêts, c’est la même histoire. La présidente de séance, Kathryn Edwards, a des contrats de consulting avec Merck, et a été membre des « conseils de suivi de sécurité des vaccins » de Sanofi, Moderna, Pfizer, etc. Bref, de tous les géants des vaccins.
Consulting et fonds de recherche
Janet Englund a des contrats de consulting avec GSK, Sanofi et a reçu des bourses de recherche de Merck, Pfizer, Novavax et AstraZeneca (encore une qui coche tous les « Big Vaccine » !).
Karen Kotloff a reçu des financements de recherches de Merck et de façon plus originale, mais tout aussi révélatrice, au moins 4 bourses de la Fondation Bill et Melinda Gates. Voilà le profil détaillé de 5 des 9 «membres votants permanents » !
Certes, il y avait aussi 8 membres sur 15 (permanents et non permanents) qui n’avaient pas de conflit d’intérêts manifeste. Mais ils ont un point commun : ce sont presque tous des fonctionnaires de la FDA, du CDC ou du NIH (les autorités de santé américaines).
Au total, il n’y avait dans ce panel que 2 experts totalement indépendants, payés ni par l’État ni par l’industrie. Et encore, l’un des deux, Mark Sawyer était conseiller sanitaire pour l’État de Californie et faisait partie de nombreuses associations professionnelles financées par Big Pharma.
Les trois abstentionnistes
Au total, la seule universitaire totalement indépendante parmi les 15 experts s’appelle Mei-Ling Ting Lee… et elle fait partie des trois experts qui se sont abstenus sur le vaccin ! « En tant que statisticienne, je considère que sa sécurité n’a pas été démontrée », a-t-elle expliqué[6].
Un autre expert, le cardiologue Milton Packer, a tenu le même raisonnement — et s’il a des liens d’intérêts étroits avec l’industrie, c’est, comme par hasard, un des seuls qui n’appartient pas au monde des vaccins: «Pourquoi je me suis abstenu ? Sur la base des données disponibles, il était impossible à quiconque de savoir si l’augmentation du risque de crise cardiaque dans le groupe Dynavax était réelle ou fausse. […] Il y a une règle très simple dans la vie : si vous ne savez pas, vous devriez dire que vous ne savez pas»[7].
Cela paraît logique. On pourrait même aller un cran plus loin : si l’éthique médicale est « d’abord ne pas nuire », il faut dire non (plutôt que s’abstenir) quand il y a un doute sur la sécurité du vaccin.
Mais 11 des 15 experts ont dit un grand « oui ». Pour les experts payés par Big Pharma, ce n’est pas étonnant. Mais comment comprendre la décision des fonctionnaires issus des autorités de santé, sans lien apparent avec l’industrie ?
Les fonctionnaires aussi sont des proies faciles
En réalité, il y a un moyen très simple pour les multinationales de la pharma de s’attirer leur faveur : leur promettre implicitement des postes très bien rémunérés, chez elles, après leur passage dans les autorités de santé — s’ils se sont « bien » comportés bien sûr.
Et en effet, c’est une pratique très fréquente. Une étude a montré que la plupart des fonctionnaires ayant quitté la FDA après avoir participé à l’approbation de médicaments anticancéreux ont été embauchés par la suite dans l’industrie pharmaceutique[8]. Pourquoi se montreraient-ils impartiaux avec de futurs employeurs potentiels, qui paient beaucoup mieux que l’État ?
Prenez le scandale de Purdue Pharma, condamné à des milliards de dollars d’amende pour avoir causé des milliers de morts et d’addictions avec son médicament opioïde Oxycontin. Eh bien, tout a commencé par une autorisation très large et imprudente de la FDA. Et comme par hasard, le directeur de la FDA qui a supervisé l’approbation de ce médicament a été embauché un an plus tard chez Purdue Pharma avec 400 000 dollars de salaire annuel[9] !
Autre pantouflage retentissant : quelques mois seulement après avoir démissionné de son poste de directeur en chef (« commissionner ») de la FDA, Scott Gottlieb a rejoint en 2019 le board des directeurs du géant Pfizer !
Le fléau des «portes tournantes»
Et ce n’est pas pour rien qu’on parle du fléau des « portes tournantes » (revolving doors) entre l’industrie et les autorités sanitaires : avant même sa nomination à la tête de la FDA en 2017, Scot Gottlieb était déjà « au lit avec Big Pharma ». En trois ans, il avait reçu plus de 500 000 dollars de l’industrie, notamment d’AstraZeneca et Pfizer, et avait siégé dans l’un des boards de GSK.
C’est déjà sidérant, mais j’ai gardé le meilleur exemple pour la fin. Savez-vous ce qu’a fait, en 2021, le directeur en chef de la FDA nommé en novembre 2019 ? Eh bien après avoir supervisé les vaccins Covid tout au long de l’année 2020, et en particulier l’approbation du vaccin Moderna… Il a été embauché par l’entreprise mère de Moderna.
Vous voyez comment cela fonctionne ? Dans la plupart des cas, le scandale n’est pas aussi aveuglant. Big Pharma profite de la situation sans même avoir besoin de sortir son carnet de chèques, puisque chaque fonctionnaire peut espérer décrocher un job beaucoup mieux payé s’il se comporte « correctement » !
Et c’est ainsi que la plupart des « leaders d’opinion » — médecins, universitaires ou fonctionnaires sont influencés par Big Pharma.
La corruption des experts est systémique, on le sait depuis longtemps
Cela ne date pas d’hier, hélas. Tout était dit noir sur blanc, dans un rapport officiel de la Chambre des Communes britannique, en 2005 :
« Notre préoccupation dominante vient de l’importance et de l’intensité de l’influence de l’industrie pharmaceutique, non seulement sur la médecine et la recherche, mais sur les patients, les médias, les administrations, les agences de régulation et les politiques (Chambre des Communes du Royaume-Uni)[10].
Même si Big Pharma arrose tout le monde, les experts (« la médecine et la recherche ») restent la cible principale de ce système de corruption systémique — car les patients, les médias, les politiques et les autorités s’en remettent toujours aux experts.
Si vous avez les «experts» dans votre manche, il est facile d’influencer la totalité du système médical
Et c’est bien le cas : un article publié en 2022 dans le BMJ Open résume la gravité de la situation : «Les essais cliniques et les méta-analyses financées par l’industrie pharmaceutique ont une probabilité plus grande de conclure que leur produit est efficace, par rapport à des études indépendantes. Il a été montré que les transferts de valeur (NDLR : les cadeaux) aux médecins sont associés à des prescriptions plus chères, plus fréquentes et de moins bonne qualité. Les recommandations cliniques, à la fois de diagnostic et de traitement, peuvent aussi être influencées, puisque leurs auteurs ont souvent des liens avec l’industrie »[11].
Après ce rappel glaçant, les auteurs de cet article observent qu’entre 2014 et 2019, les médecins français ont reçu pour près d’un milliard d’euros de cadeaux de l’industrie (818 millions).
Mais on a compris que ce qui compte le plus, pour Big Pharma, ce sont les « KOL », les « key opinion leaders », ces experts qui « font l’opinion » dans leur domaine de spécialité. Dans l’étude du BMJ Open, les auteurs comptent 548 KOL en France : ce sont les membres d’associations médicales qui ont publié des lignes directrices médicales en 2018-2019.
Au total, 83 % d’entre eux ont reçu au moins un cadeau de Big Pharma en 5 ans, et leur valeur moyenne était bien supérieure à celle des cadeaux offerts aux médecins ordinaires.
L’instrument incontournable: les bourses de recherche
Mais ces « cadeaux » ne sont en réalité que la face émergée de l’iceberg de la corruption. L’influence la plus importante commence par les « bourses de recherche » octroyées par Big Pharma. C’est un instrument majeur du système de corruption systémique, car il est impossible de devenir un « grand ponte » sans faire de la recherche… et il est presque impossible de faire de la recherche sans financement de l’industrie pharmaceutique !
Puis, l’autre instrument clé d’influence, ce sont les contrats de consulting avec l’industrie, qui « atteignent couramment des sommes de 50 000 à 500 000 dollars et parfois un million ou plus. Chaque année. Des années. Tant que les leaders d’opinion restent utiles au développement des firmes. Et beaucoup de ces leaders d’opinion sont sous contrat non pas avec une seule, mais avec trois, dix ou vingt firmes[12] » (Pr Philippe Even).
Il faudrait ajouter à tout cela les millions d’euros versés sur des comptes offshore — selon une de mes sources, les sommes d’argent déclarées officiellement par certains KOL français ne sont que des « pourboires » de l’industrie pharmaceutique, à côté de ce qu’ils touchent de façon illégale.
Bref, la règle dans le milieu médical et scientifique, c’est de « faire carrière » grâce aux bourses de recherche de Big Pharma, puis, pour ceux qui gravissent tous les échelons, de s’enrichir avec des contrats juteux de consulting.
Raoult: l’exception exclue des « conseils scientifiques »
L’exception qui confirme la règle, c’est un profil comme le Pr Raoult : une sommité dans son domaine, qui n’a fait carrière que grâce à son talent exceptionnel, et qui bénéficie, à la tête de l’IHU de Marseille, d’importants financements publics pour faire de la recherche utile, sans lien avec l’industrie pharmaceutique.
Le Pr Raoult ne fait décidément pas partie du « cénacle ». C’est ainsi qu’au début de la crise Covid, personne ne lui a demandé de faire partie du « Conseil Scientifique » : ceux qui ont été choisis étaient essentiellement des « pontes » qui avaient des liens d’intérêts majeurs avec Big Pharma.
C’est la même chose partout.
Aux États-Unis, le pays le plus influent en matière médicale, presque 75 % des dirigeants des 10 plus grandes associations professionnelles médicales ont des liens avec l’industrie pharmaceutique[13], pour des sommes dix fois plus importantes qu’en France.
Au total, la plupart des experts sont dans la poche de Big Pharma, qu’ils le veuillent ou non, qu’ils en soient conscients ou pas — c’est dans la nature humaine que de ne jamais mordre la main qui nous nourrit.
Or, ce sont bien ces experts liés à Big Pharma qui :
- Émettent des recommandations pour les autorités de santé ;
- Influencent les prescriptions des autres médecins, par leur prestige ;
- Et vont répandre la bonne parole dans les médias, bardés de leurs diplômes et responsabilités hospitalières.
Voilà comment le système est « pipé ». Et c’est ainsi qu’on arrive à des décisions aberrantes, comme l’approbation du vaccin Dynavax, malgré des signaux inquiétants quant à sa sécurité.
Et c’est ainsi qu’on a approuvé des vaccins Covid, confectionnés en quelques mois, avec une technologie totalement nouvelle, sans preuve tangible d’efficacité ni de sécurité. Voilà les ravages causés par les experts en conflit d’intérêts[14][15]. C’est encore une preuve que les aberrations des vaccins Covid ne sont pas apparues comme un coup de tonnerre dans un ciel serein.
Le Pr Raoult a bien résumé le problème global dans sa vidéo nommée « Complotiste »[16] : «Moi qui n’étais pas complotiste, je me pose des questions. Il suffit de regarder à quel point le financement de l’industrie pharmaceutique est libéré pour acheter les faiseurs d’opinions, les journaux, etc. Il faudra qu’il y ait une réflexion sur les liens d’intérêts. Le niveau de l’argent qui circule est un niveau auquel on n’était pas habitué. On voit les hurlements que les gens poussent à chaque fois que quelqu’un a une opinion différente. On voit bien qu’il n’y a plus de contre-pouvoir à cette masse financière ».
Et il conclut : « si c’est cela être complotiste, je suis volontiers complotiste ».
Eh bien moi aussi !
Xavier Bazin
Sources
[1] Depuis le départ, ce vaccin posait question : les essais cliniques de phase 2 ont été interrompu lorsqu’un patient a développé une insuffisance rénale, puis, en 2008, le grand essai de phase 3 a été brièvement interrompu lorsqu’un patient a développé une maladie auto-immune grave (Maladie de Wegener) https://www.nature.com/articles/nbt0508-484a#article-info
[2] https://www.lejdd.fr/Societe/Sante/Engerix-B-Un-vaccin-a-risque-86709-3268106
[4] https://www.revmed.ch/view/777395/6152872/ML_40-05_33.pdf
[5] Alors même que les chercheurs avaient déjà relevé, dans les études préliminaires, 5 embolies pulmonaires avec le nouveau vaccin, contre 0 avec l’ancien vaccin. Et qu’il y avait au total 3 fois plus de risques d’insuffisance respiratoire aiguë, et 2 fois plus de morts.
[6]https://www.mdedge.com/gihepnews/article/143568/infectious-diseases/fda-advisory-panel-backs-safety-new-hepatitis-b-vaccine
[7] https://www.statnews.com/2017/08/04/dynavax-hepatitis-vaccine/
[8] https://www.bmj.com/content/354/bmj.i5055
[10] https://publications.parliament.uk/pa/cm200405/cmselect/cmhealth/42/42.pdf
[11]https://bmjopen.bmj.com/content/bmjopen/12/2/e051042.full.pdf
[12] Philippe Even, Corruption et crédulité en mmédecine, Éd du Cherche Midi, 2015.
[14] http://press.psprings.co.uk/bmj/may/disclosure.pdf
[15] https://childrenshealthdefense.org/defender/fda-pfizer-covid-kids-pharma/