« Surtout pas, ce site est tenu par des macronistes », « Ne passez pas par ce site, vous ne savez pas qui va prendre votre voix », « Attention au site Plan Procu. Sa neutralité ne peut être garantie, de même que le respect de vos consignes de vote »… L’annonce surprise de la dissolution et la convocation d’élections législatives anticipées dans un si bref délai a pris tout le monde de court. Si certains Français ont réussi à s’organiser pour être présents les 30 juin et 7 juillet prochains, nombreux sont ceux à vouloir établir une procuration. À moins d’une semaine du premier tour, déjà plus d’un million de procurations ont ainsi été effectuées. Et pour aider ceux qui cherchent un voisin susceptible de voter à leur place, les médias font la promotion du site planprocu.fr (Plan Procu), « le Tinder de la procuration ».
Même le journal télévisé de TF1 a consacré un sujet à ce site qui connaît une explosion des fréquentations, ces derniers jours. L’objectif de cette plate-forme : mettre en lien un mandant qui cherche à donner une procuration avec un mandataire qui habite sur la même commune et qui accepterait de prendre cette procuration. Derrière ce site novateur, on trouve l’ONG « A Voté », dont de nombreux membres flirtent ou ont flirté avec la majorité présidentielle. Est-ce donc une opération de la Macronie ? Certains s’interrogent.
Officiellement, « A Voté », à l’origine de Plan Procu, est une ONG apolitique qui œuvre à « la défense des droits civiques et au progrès démocratique ». Selon ses statuts, « A Voté » est même une association « indépendante » et « apartisane qui n’a pas vocation à favoriser une organisation politique ». Les brefs CV des membres de l’association (militants, activistes, essayistes, juristes…), mis en avant sur son site Internet, donnent également l’image d’une ONG libre et indépendante. Mais le partage sur les réseaux sociaux, par le porte-parole du ministère de l’Intérieur, d’un reportage consacré à l’ONG, et notamment à sa plate-forme Plan Procu, a éveillé de nombreux soupçons.
D’anciens collaborateurs de la Macronie
En y regardant de plus près, il apparaît ainsi que nombreux sont les membres de cette association a avoir eu des liens avec la majorité présidentielle. À commencer par Titouan Galopin (Citipo), développeur de la plate-forme Plan Procu, longtemps surnommé « l’architecte Internet de Macron ». Dans les cofondateurs de l’ONG, on trouve par ailleurs Marianne Billard, aujourd’hui directrice de projet au ministère de la Santé, passée par l’Assemblée nationale aux côtés de Paula Forteza, députée La République en marche. Flore Blondel Goupil, également cofondratice, omet de préciser dans sa courte présentation sur le site qu’elle a travaillé pour En Marche ! Sur sa page LinkedIn, elle explique ainsi « aider les partis et les mouvements politiques tels qu’En Marche » à utiliser des outils technologiques pour améliorer leur campagne. À la présidence de l’association, Dorian Dreuil, ancien secrétaire général d’Action contre la faim et membre de la fondation Jean-Jaurès, a lui aussi travaillé pendant quelques mois à l’Assemblée nationale avec Florence Provendier, députée LREM. À ses côtés, Clément Pène, coprésidente, n’a quant à elle pas fait ses armes avec En Marche mais auprès du Parti socialiste. La jeune femme a en effet œuvré pour la campagne régionale de Jean-Paul Huchon (PS) en 2010, puis pour la conquête de Paris par Anne Hidalgo en 2014, avant de rejoindre la direction interministérielle de la Transformation publique.
On peut également citer Adrien Duguet, membre de l’ONG, qui a coordonné la campagne présidentielle d’Emmanuel Macron en 2017 et celle d’En Marche pour les législatives la même année, avant de travailler pour la campagne européenne du parti en 2018 et d’être conseiller de la majorité à l’Assemblée. La liste des anciens collaborateurs d’élus de la Macronie qui sont aujourd’hui membres de l’ONG est longue. Sur les quinze membres du conseil d’administration et du conseil scientifique, mis en avant sur le site de l’ONG, BV a ainsi compté neuf profils ayant eu des liens – plus ou moins étroits – avec la majorité présidentielle, des partis annexes de la Macronie ou le Parti socialiste.
Interrogé par Libération sur de potentiels liens avec le gouvernement ou la majorité présidentielle, l’ONG dément toute collusion et assure être « 100 % indépendante ». « Il n’y a pas de proximité avec le gouvernement ni aucun appareil politique », déclarent-ils. Mais pour les soupçonneux qui cherchent à établir une procuration, reste l’option plus sûre des partis politiques qui, parmi leurs militants, peuvent mettre en contact un électeur avec un mandataire.