Le tribunal de Valence a ordonné à Enedis le remplacement d’un compteur Linky par un ancien modèle non connecté dans un appartement. Cette décision fait suite à une plainte de la propriétaire du logement qui a fait constater par des médecins son hypersensibilité. Une décision qui pourrait bien faire jurisprudence.
Le déploiement en France du Linky est loin d’être un long fleuve tranquille. Pourtant, l’idée est bonne : l’appareil permet de communiquer en temps réel la consommation électrique d’un foyer. Cela a deux avantages. D’abord, réduire les déplacements des agents d’Enedis, le gestionnaire du réseau électrique, pour le relevé des compteurs (et donc baisser les frais d’exploitation). Ensuite, créer un tableau de bord pour le consommateur qui peut ajuster sa consommation d’énergie (et son tarif d’électricité).
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Mais Linky est au cœur d’une controverse. Enedis veut imposer l’installation du compteur, pour maximiser les économies que la société pourrait réaliser. Cela a favorisé l’émergence d’un mouvement contestataire auprès de certains usagers avec qui le gestionnaire de réseau a engagé un bras de fer. Ces usagers, qui craignent une exploitation commerciale abusive de leurs données personnelles, ont toujours affirmé que le compteur connecté n’est pas obligatoire. Ce qu’Enedis a confirmé en janvier dernier, après plusieurs années à expliquer le contraire.
LA JUSTICE ORDONNE POUR LA PREMIÈRE FOIS LA DÉSINSTALLATION D’UN LINKY
Les consommateurs sont donc en droit de refuser l’installation d’un Linky à leur domicile. Mais qu’en est-il pour ceux qui ont déjà un compteur connecté et qui souhaitent revenir à un ancien modèle ? Jusqu’à présent, il n’y avait aucun recours. Mais une décision du tribunal de Valence datant de juin 2023 pourrait bien faire jurisprudence. En effet, la justice a ordonné à Enedis la désinstallation d’un Linky chez une octogénaire et son remplacement par un ancien modèle.
Pourquoi la justice a-t-elle pris cette décision ? L’octogénaire souffre d’hypersensibilité électrique. Depuis l’installation du Linky, elle était victime à trois reprises chaque nuit, à heure fixe, une décharge électrique si violente qu’elle la paralysait. Et en permanence, elle subissait des maux de tête et des vertiges. Après cinq ans de cohabitation avec Linky et de souffrance, plusieurs médecins confirment sa pathologie et font le lien entre ses symptômes et la présence du compteur connecté. L’octogénaire porte plainte contre Enedis et le tribunal lui donne raison. Le Linky est enlevé début juillet 2023. Elle devra sans doute s’acquitter du supplément de 61 euros par an à son abonnement. Mais c’est un bien maigre coût pour améliorer son quotidien.
VERS UNE JURISPRUDENCE QUI AUTORISE LA DÉSINSTALLATION DU LINKY ?
Une telle décision aura certainement une conséquence plus large. En effet, tous les utilisateurs qui subissent des symptômes similaires pourront le faire constater auprès d’un médecin et s’appuyer sur cette ordonnance pour forcer Enedis à désinstaller le Linky. Ce qui pourrait mener vers une jurisprudence qui conditionnerait certainement la désinstallation à des raisons médicales. Cette décision pourrait également donner un peu plus de poids à ceux qui continuent de refuser le Linky pour des raisons équivalentes et qui subissent des coupures permanentes d’électricité.
En revanche, est-il possible de facturer 61 euros par an les consommateurs atteints d’hypersensibilité électrique qui ne peuvent bénéficier d’un Linky ? Voilà une question déontologique complexe. En effet, le refus d’installation pour raison médicale n’est pas “un choix” du consommateur. Une éventuelle jurisprudence devra aussi trancher sur ce point.