La Commission européenne a conclu dans un nouveau rapport qu’en dépit de ses promesses de “réduire la portée et l’influence de la désinformation parrainée par le Kremlin“, les grandes plateformes de médias sociaux comme Twitter et Facebook n’ont pas réussi à le faire. Il est choquant de constater que les recherches menées par des défenseurs de la surveillance ont abouti à la préconisation d’une surveillance encore plus accrue. Il se trouve que la Russie est le bouc émissaire le plus commode.
En utilisant le même type de tactique de dénigrement que le bloc a utilisé précédemment – comme lorsqu’il a inclus la Russie aux côtés d’État islamique (IS, anciennement ISIS) dans un rapport sur la sécurité et la menace – cette fois-ci, il s’agit de confondre les comptes de médias sociaux “pro-Kremlin” avec ceux qu’il considère comme étant “alignés sur le Kremlin” ou “soutenus par le Kremlin“. En d’autres termes, le simple fait d’être en désaccord avec le discours occidental suffit à faire passer n’importe qui dans le camp “pro-Kremlin” et à être considéré comme digne d’une modération de contenu ou d’une interdiction par l’UE. Aujourd’hui, ils sont frustrés par le fait que les plateformes de médias sociaux n’ont pas réussi à mettre en œuvre cette censure.
“Les plateformes ont rarement examiné et supprimé plus de 50 % des contenus clairement violents que nous avons signalés lors de tests répétés“, indique le rapport. De quel type de contenu s’agit-il exactement ? Il est difficile de le savoir, car les exemples cités confondent le légitimement discutable et le manifestement absurde, et suggèrent que les deux justifient la censure. Ils citent, par exemple, des contenus qui accusent l’Ukraine d’être dirigée par des nazis – ce qui est une préoccupation légitime, étant donné que la presse occidentale a largement fait état du rôle important joué par les néo-nazis en Ukraine, qui “tentent agressivement d’imposer leur programme à la société ukrainienne, y compris en recourant à la force contre ceux qui ont des opinions politiques et culturelles opposées“, selon une publication de Freedom House, basée à Washington, avant le conflit, ajoutant qu’”ils constituent une véritable menace physique pour les militants de gauche, féministes, libéraux et LGBT, les défenseurs des droits de l’homme, ainsi que pour les minorités ethniques et religieuses” en Ukraine. Le Conseil de l’Europe avait fait des observations similaires.
Il y a aussi le fait que l’Occident a formé le bataillon néonazi Azov pour combattre les Russes, et que Reuters rapportait, en 2018, que le président de l’époque, Petro Porochenko, “risquait des répercussions majeures” s’il prenait des mesures contre les néonazis.
Cela donne l’impression qu’il existe un problème néonazi qui mérite au moins d’être mis en lumière et débattu. Pourtant, l’UE rejette toute suggestion de ce type en la qualifiant de désinformation russe.
Le rapport s’en prend également aux récits qui “nient les crimes de guerre“, en prenant pour exemple les événements survenus à Bucha. Je suis désolé, mais aurions-nous manqué un tribunal pour les crimes de guerre ? Nous parlons ici d’événements qui se sont déroulés dans le brouillard immédiat de la guerre. Tenter de faire le tri entre les faits, les réalités et les manipulations est précisément le genre de choses auxquelles les médias sociaux sont censés contribuer. Tout le monde sait aujourd’hui qu’il s’agit d’avoir accès à un maximum de données brutes. Nous nous attendons à voir un désordre chaotique en ligne – pas un ensemble d’Encyclopedia Britannica ou le journal télévisé du soir. Qu’est-ce qui permet à Bruxelles de penser qu’elle a le droit de détenir le monopole de ce processus ?
Le rapport place ces exemples de débats gênants à côté d’un exemple tout à fait ridicule de “post de merde” où quelqu’un a inventé le nom d’un faux média et a annoncé que l’Ukraine envoyait un nuage radioactif en direction de l’Europe. Si quelqu’un est assez stupide pour croire une chose pareille, ce n’est certainement pas l’UE qui va le sauver de sa propre stupidité. Pas pour longtemps, en tout cas. Laissons-les passer toute la semaine prochaine à creuser un abri antiatomique pendant que leurs voisins se marrent.
Dans une ligne qui ne demande qu’à être lue plusieurs fois par pure incrédulité, le rapport note que les efforts de désinformation du Kremlin sont “conçus pour fomenter l’instabilité politique et sociale chez ses adversaires en attisant les conflits ethniques, en promouvant l’isolationnisme et en détournant l’attention du public de l’Ukraine pour la porter sur les affaires intérieures“. Comment les citoyens européens osent-ils insister pour que leurs dirigeants se concentrent sur les problèmes considérables auxquels sont confrontés leur propre pays et leurs citoyens, qui sont depuis longtemps exacerbés par des politiques nationales et européennes malavisées, au lieu de focaliser leur attention sur l’Ukraine ! En effet, s’il n’y avait pas ces Russes qui se mêlent de tout, l’Europe serait une utopie de soleil et d’arc-en-ciel, où tout le monde se tiendrait la main et chanterait Kumbaya, sans que les citoyens n’aient à se préoccuper d’autre chose que de ce qui se passe en Ukraine.
L’UE déplore que “le Kremlin et ses mandataires aient capté un public de plus en plus large grâce à des contenus de propagande très élaborés et aient orienté les utilisateurs vers des espaces en ligne non réglementés, où les normes démocratiques se sont érodées et où la haine et les mensonges ont pu se propager en toute impunité“. Ils ont tout faux. Les personnes souhaitant s’engager dans des débats et des discussions sur des sujets et des points de vue que l’UE – dans toute son arrogance d’arbitre autoproclamé de la vérité – tient à censurer, ont été poussées vers d’autres plateformes spécifiquement parce qu’elles soutiennent la liberté d’expression dans toute sa gloire et ses imperfections.
“Au cours de l’année 2022, l’audience et la portée des comptes de médias sociaux alignés sur le Kremlin ont considérablement augmenté dans toute l’Europe“, selon le rapport, ajoutant que “la portée et l’influence des comptes soutenus par le Kremlin ont encore augmenté au cours du premier semestre 2023, sous l’impulsion notamment du démantèlement des normes de sécurité de Twitter.” En d’autres termes, Elon Musk, qui se considère comme un “absolutiste de la liberté d’expression“, est arrivé, a acheté Twitter, a égalisé les règles du jeu en ouvrant le débat et en réduisant la censure, et ce qui a fini par se produire, c’est que les gens ont afflué sur la plateforme comme une alternative rafraîchissante à la narration de l’establishment occidental curée et censurée qu’ils reçoivent ailleurs à la petite cuillère.
Qu’est-ce que l’UE va faire maintenant ? La loi sur les services numériques (Digital Services Act) est entrée en vigueur le mois dernier. Cela signifie que, théoriquement, toutes les grandes plateformes de médias sociaux sont obligées de travailler avec les acteurs de la “société civile” triés sur le volet par l’UE pour modérer et censurer le contenu – sans aucun doute en accord avec le discours de l’UE. Musk devra jouer le jeu et prendre des notes sur le type de demandes de censure qui lui sont adressées par Bruxelles. Il devra ensuite les publier sur Twitter dans l’intérêt d’une transparence radicale et d’une défense intransigeante de la démocratie à laquelle l’UE se réfère constamment pour justifier ses mesures de répression contre nos libertés fondamentales.
Rachel Marsden
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone