En 2019, les nuages de Neptune ont presque disparu en quelques mois seulement. Pourquoi ? L’analyse de presque 30 années de surveillance de Neptune avec des télescopes comme Hubble permet d’envisager une solution à cette énigme.
Les plus de 40 ans se souviennent peut-être des premières images livrées en gros plan de la planète Neptune par la Nasa pendant l’été 1989, alors que la sonde Voyager 2 s’était approchée jusqu’à passer à environ 4 950 kilomètres au-dessus du pôle Nord de Neptune. Ces images montraient que l’atmosphère de la géante glacée était beaucoup plus active qu’on ne l’imaginait et les données collectées par la sonde montraient que Neptune rayonnait un peu plus d’énergie qu’elle n’en recevait du Soleil.
On voyait clairement l’équivalent de la grande tache rouge de Jupiter, mais ici de couleur sombre sur le fond bleu produit par l’atmosphère de Neptune contenant beaucoup de méthane. Des nuages blancs étaient aussi bien visibles dans la haute atmosphère. Toutes ces données rendaient les planétologues perplexes, car ils se demandaient tout à la fois qu’elle pouvait bien être la source d’énergie interne de Neptune qui la chauffait plus que le Soleil et comment la lumière de notre étoile pouvait aussi visiblement contribuer à une chimie active et complexe liée à l’existence des nuages linéaires et brillants, rappelant les cirrus sur Terre.
Une grosse étoile pâle d’à peine 1/30e du diamètre de la pleine Lune
Située à environ 4,5 milliards de kilomètres du Soleil, Neptune ne reçoit qu’environ 0,1 % du rayonnement que l’on mesure sur Terre. Un observateur en orbite, par exemple sur le satellite Triton de Neptune, verrait le Soleil comme une grosse étoile pâle d’à peine 1/30e du diamètre de la pleine Lune.
Pour mieux comprendre les mystères de Neptune, les planétologues ont entrepris, depuis le survol de Voyager 2, de surveiller périodiquement son atmosphère d’abord avec le télescope Hubble et ensuite avec les instruments de l’observatoire W. M. Keck à Hawaï qui permettent de faire de l’optique adaptative.
Des planétologues, comme la célèbre Imke de Pater, professeure émérite d’astronomie et de sciences terrestres et planétaires à l’Université de Californie à Berkeley (et autrice d’un célèbre traité de sciences planétaires), étudient donc depuis environ 30 ans les modifications de l’activité de Neptune et, en 2019, ils ont eu une surprise. En quelques mois seulement, la majorité de la couverture nuageuse de la géante glacée a disparu et elle reste encore faible à ce jour.
Aujourd’hui, un bilan de ces 30 années d’observation et qui se penche sur cette mystérieuse disparition a été publié dans le célèbre journal Icarus. On peut trouver l’article en question en accès libre sur arXiv.
Une couverture nuageuse contrôlée par le cycle des taches solaires
Les données collectées pendant le programme de surveillance suggèrent fortement maintenant que la disparition des nuages de Neptune est cyclique et contrôlée par le cycle solaire de 11 ans que l’on connaît avec les taches solaires. Ce cycle est contrôlé sur le Soleil par les mécanismes à l’origine du champ magnétique de notre étoile et par la physique du plasma solaire dans des champs magnétiques turbulents. Il se produit un emmêlement des lignes de champ en rapport avec la rotation différentielle des couches internes du Soleil, ce qui concentre de l’énergie qui est finalement libérée.
Un communiqué de la Nasa accompagne la publication dans Icarus et on peut ainsi y lire les déclarations de Imke de Pater : « J’ai été surprise par la rapidité avec laquelle les nuages ont disparu sur Neptune. Nous avons essentiellement vu l’activité nuageuse chuter en quelques mois. »
« Même maintenant, quatre ans plus tard, les images les plus récentes que nous avons prises en juin dernier montrent toujours que les nuages ne sont pas revenus à leurs niveaux antérieurs. C’est extrêmement excitant et inattendu, d’autant plus que la précédente période de faible activité nuageuse de Neptune n’était pas aussi dramatique et prolongée », ajoute Erandi Chavez, en poste au Centre d’astrophysique – Harvard-Smithsonian (CfA) à Cambridge, Massachusetts (États-Unis) et qui a dirigé la rédaction de l’article d’Icarus lorsqu’elle était étudiante en astronomie à l’UC Berkeley.
Le communiqué poursuit les explications toujours avec des déclarations de Imke de Pater au sujet des observations faites depuis 1994 : « Ces données remarquables nous donnent la preuve la plus solide à ce jour que la couverture nuageuse de Neptune est en corrélation avec le cycle du Soleil. Nos découvertes soutiennent la théorie selon laquelle les rayons UV du Soleil, lorsqu’ils sont suffisamment puissants, peuvent déclencher une réaction photochimique qui produit les nuages de Neptune. »
On constate cependant un décalage de deux ans entre le pic du rayonnement solaire et le nombre de nuages observés sur Neptune, ce qui s’expliquerait par le temps mis par l’énergie injectée par le rayonnement solaire dans l’atmosphère de Neptune pour produire la quantité de réactions chimiques nécessaire pour fabriquer les nuages.
Les chercheurs vont continuer à étudier les nuages de Neptune avec les données combinées de Hubble, du télescope spatial-James Webb, de l’observatoire Keck et de l’observatoire Lick. L’analyse théorique de ces données devrait nous aider aussi à comprendre dans le futur des exoplanètes ressemblant à Neptune.
CO2 produit par l’activité des habitants de Neptune ?