Depuis plusieurs mois, le droit à la propriété privée est discrètement, mais lourdement, attaqué en Europe dans un contexte de tensions croissantes. Nous avons déjà pointé les risques de la remontée des taux faisait peser sur les primo-accédants endettés en Grande-Bretagne, politique qui concourt à la “densification de l’habitat” prônée par la caste mondialisée et ses supplétifs écologistes. De son côté, la Commission Européenne a annoncé qu’elle utiliserait les avoirs russes gelés pour reconstruire l’Ukraine. Dans ce mouvement général où le droit de propriété commence à être grignotée de toutes parts, Emmanuel Macron apporte sa pierre : l’article 23 de la loi de programmation militaire précise (imprudemment selon nous) le régime des réquisitions en cas de péril pour la nation. Un amendement du gouvernement a même prévu des peines d’emprisonnement pour ceux qui refuseraient d’y obéir. Cette mesure s’inscrit dans la logique générale de “l’urgence” sur laquelle Macron s’est tant appuyé.
Dans le cadre de la loi de programmation militaire, le gouvernement a voulu préciser le régime des réquisitions, non seulement en temps de guerre, mais en temps de péril grave pour la nation. La formulation de l’exposé des motifs de la loi vaut d’ailleurs son pesant de cacahuètes :
La réquisition est un mécanisme de puissance publique dont dispose l’État pour obtenir, à défaut de tout autre moyen à sa disposition, la fourniture d’un bien ou l’exécution d’une prestation de service, par une personne physique ou morale, lorsque celles‑ci ne peuvent être obtenues au moyen d’une négociation amiable ni par voie contractuelle.
Le code de la défense prévoit deux régimes distincts, chacun ne pouvant être déclenché que par décret en conseil des ministres :
– celui des réquisitions militaires, qui ont pour objet principal l’approvisionnement des forces armées et formations rattachées ;
– et celui des réquisitions pour les besoins généraux de la Nation. Loi de programmation militaire, exposé des motifs
Il faut bien comprendre ce que ce passage signifie : que la loi de programmation militaire entreprenne de préciser le régime des réquisitions en cas de guerre ou de préparation d’une guerre est une chose. Qu’elle soit utilisée comme un véhicule pour introduire un “cavalier” traitant des réquisitions “pour les besoins généraux de la Nation” en est une autre. Et c’est bien le problème que nous avons dans ce texte : sous le couvert d’une légitime adaptation au contexte belliqueux actuel, le législateur entreprend de parler de tout autre chose.
Que sont les “besoins généraux de la Nation” ?
Assez curieusement, le texte, qui entend préciser le droit de l’Etat à réquisitionner, ne prend en revanche pas le soin d’expliquer ce que sont les “besoisn généraux de la Nation”. On comprend ici qu’il s’agit d’un concept à géométrie variable, de l’une de ces inventions juridiques baroques qui veulent tout et rien dire, et que le gouvernement peut actionner selon son bon vouloir : épidémie, pandémie, émeutes, menaces de tous ordres, au besoin imaginaires mais certifiées vraie par Conspiracy Watch, grâce auxquelles les pires turpitudes seront possibles.
La rédaction finale du texte dit simplement ceci :
En cas de menace, actuelle ou prévisible, pesant sur les activités essentielles à la vie de la Nation, à la protection de la population, à l’intégrité du territoire ou à la permanence des institutions de la République ou de nature à justifier la mise en œuvre des engagements internationaux de l’État en matière de défense, la réquisition de toute personne, physique ou morale, et de tous les biens et les services nécessaires pour y parer peut être décidée par décret en Conseil des ministres. Ce décret précise les territoires concernés et, le cas échéant, l’autorité administrative ou militaire habilitée à procéder à ces mesures. Loi de programmation militaire, article 23
Nous sommes loin, ici, des seuls cas de guerre !
On relèvera que la réquisition peut être décidée en cas de “menace prévisible” portant sur la “permanence des institutions de la République”. Concrètement, rien n’exclut qu’elle soit mise en oeuvre en cas d’émeutes généralisées, sans aucune menace extérieure.
Quelles seront les réquisitions possibles ?
La loi prévoit la possibilité de réquisitionner des biens, des personnes et même des entreprises. Formellement, la loi prévoit l’indemnisation des personnes réquisitionnées (et de leurs biens si le gouvernement le souhaite). Elle prévoit aussi le paiement des prestations au tarif du marché pour les entreprises réquisitionnées. Simplement, il existe quelques astuces dans cette description sur papier glacé.
Initialement, le texte prévoyait un délai de 3 jours ! pour formuler la demande d’indemnisation (qui se fait a posteriori, donc) auprès de l’Etat. Le texte ne fixe aucun délai pour indemniser les personnes. L’Assemblée Nationale a finalement porté, par amendement, ce délai à deux mois. C’est mieux que trois jours, mais en cas de situation exceptionnelle, nul ne sait si cela sera suffisant pour faire valoir ses droits. Et le texte n’a pas plus prévu de délai pour indemniser les personnes.
Techniquement, donc, tout est prêt pour que le gouvernement réquisitionne sous des prétextes extrêmement contestables, sans intervention possible du juge, et reste maître des délais d’indemnisation qu’il juge nécessaire.
Le terrain glissant du droit d’exception
En l’état, bien entendu, personne ne peut dire clairement que le texte prépare des atteintes caractérisées à la propriété privée. Mais on reconnaît ici la logique fabienne du cliquet qui est à l’oeuvre : celle de l’avancée pas-à-pas dans la violation de l’état de droit, qui ne suit qu’un seul changement. Toute avancée dans la tyrannie est définitive et ne permet aucun retour en arrière.
Insistons sur le fait que, dans ce cas d’espèce, c’est une loi sur la guerre qui introduit des dispositions hostiles à la propriété privée en temps de paix.
Source : https://lecourrierdesstrateges.fr/2023/07/03/requisitions-premiere-lourde-atteinte-a-la-propriete-privee-par-macron/
Voir aussi :