C’est Ă©tonnant comme l’histoire nous affranchit sur le prĂ©sent. Les hommes sont souvent obnubilĂ©s par le futur, mais c’est le passĂ© qui explique tout. Partons ensemble dans la Rome des IVe et Ve siècles (ap. J-C.)…
Les notables auraient demandĂ© Ă l’empereur de continuer les jeux au lendemain mĂŞme du sac de la ville. « Tout Ă©tait dans l’inaction […] ; on ne songeait qu’à se livrer Ă la gourmandise, Ă l’ivrognerie, au sommeil : un assoupissement s’était rĂ©pandu sur eux. » (VI, 69-85)
« Les chanteurs ont chassĂ© les philosophes […] On mure les bibliothèques comme les tombeaux […] Étrange engouement que celui de tout un peuple respirant Ă peine dans l’attente du rĂ©sultat d’une course de chars […] pour eux le grand cirque est le temple. »
La chute de Rome est-elle le rĂ©sultat de l’abĂŞtissement de sa population ? Derrière cette question provocatrice, les IV et Ve siècle ap. J-C. nous donnent Ă rĂ©flĂ©chir tant les auteurs se bousculent pour dĂ©noncer l’apathie et le nivellement vers le bas de la sociĂ©tĂ© romaine. 1/22
Panem et Circenses (du pain et des jeux). L’expression de JuvĂ©nal nous rappelle aussi que les auteurs latins s’adonnaient Ă des exercices de rhĂ©torique. Si cela peut influencer les citations de ce fil, elles n’en demeurent pas moins intĂ©ressantes Ă mettre en perspective. 2/22
Ainsi, l’auteur chrĂ©tien Salvien de Marseille rapporte dans son « Gouvernement de Dieu » une anecdote peu connue : des jeux ont Ă©tĂ© donnĂ©s pendant que les Vandales assiĂ©geaient les villes de Cirta en Numidie et aussi Ă Trèves. 3/22
Les notables auraient demandĂ© Ă l’empereur de continuer les jeux au lendemain mĂŞme du sac de la ville. « Tout Ă©tait dans l’inaction […] ; on ne songeait qu’Ă se livrer Ă la gourmandise, Ă l’ivrognerie, au sommeil : un assoupissement s’Ă©tait rĂ©pandu sur eux. » (VI, 69-85) 4/22
« Le cirque est son temple », Ă©crit l’historien Ammien Marcellin. On ne vit que du souvenir des fĂŞtes passĂ©es, de l’espoir des fĂŞtes prochaines. On comptait 135 jours de spectacles Ă Rome sous Marc Aurèle. Le chiffre s’Ă©tant accru depuis (cf. Boissier, 1913, t.I, p.81). 5/22
Quelques dĂ©cennies avant le sac de Rome de 410, Ammien dresse un portrait terrible de ses contemporains : « Qu’arrive-t-il ? Le peu de maisons oĂą le culte de l’intelligence Ă©tait encore en honneur sont envahies par le goĂ»t des plaisirs, enfants de la paresse. » 6/22
« Les chanteurs ont chassĂ© les philosophes […] On mure les bibliothèques comme les tombeaux […] Étrange engouement que celui de tout un peuple respirant Ă peine dans l’attente du rĂ©sultat d’une course de chars […] pour eux le grand cirque est le temple. » 7/22
« Ce titre de citoyen romain, autrefois si estimĂ© (…), on le rĂ©pudie maintenant, et on le fuit ; on le regarde non seulement comme vil, mais comme abominable. » Salvien de Marseille (Ve s.). « Gouvernement de Dieu », V, 21-22c 329. 8/22
Le dĂ©clinisme ne date pourtant pas d’hier, CicĂ©ron n’en dĂ©mord pas sur un passĂ© rĂ©cent plus brillant : « Maintenant pour les faire applaudir, les chanteurs hurlent et se tordent le cou et les yeux en mĂŞme temps que la mesure. » TraitĂ© des lois (II, 15, 39). 9/22
Pour une certaine Ă©lite, le bon temps est dĂ©jĂ loin derrière, et les vertus romaines se tarissaient dĂ©jĂ avant la confrontation entre les nouvelles idĂ©es chrĂ©tiennes et l’ancien monde paĂŻen. Il y a dĂ©jĂ pour eux un avant et un après Horace. 10/22
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Histoire & Odyssée
Via : E&R