Points de vue divers sur la dédollarisation, ce mouvement qui a acquis une dynamique et une vitesse extraordinaire et qui révèle la fragilité de l’hyperpuissante monnaie US, entre château de cartes et système de Ponzi. Un coup d’œil sur un plan de l’Indonésie, qui se trouve à la porte des BRICS, et des BRICS eux-mêmes, qui ne cessent de tirer des plans. Et surtout, le constat que, comme une réplique, la dédollarisation touche les USA eux-mêmes et s’avère une porte ouverte vers la sécession, État du Texas en tête bien entendu.
Chacun apporte sa pierre à l’édifice : la dédollarisation est devenu le principal sujets de conversation du “Village Global”, particulièrement dans les quartiers du ‘Global South’. Les autres, du bloc-BAO alias ‘Occident-collectif’, travaillent à affiner l’industrie des sanctions et à développer pour le siècle prochain un complexe transatlantique capable de produire des obus de 155mm – pour l’instant, tout cela ‘Top Secret’, même pas dans les ‘Pentagon-Papers-II’ du jeune Teixeira.
Le contraste est tout simplement saisissant entre ces activités de dédollarisation du ‘reste du monde’ et les préoccupations de l’‘Occident-collectif’ conduit par Washington D.C. dont le prince est un vieillard gâteux et sénescent et le Congrès un ensemble fiévreux d’hystéries aveuglément guerrières. Nullement préoccupé de la dédollarisation, l’‘Occident-collectif” évolue ainsi dans un monde différent.
On découvre pourtant un coin inattendu dans cette barricade apparemment infranchissable radicale. Il vient de l’intérieur des États-Unis, où certains États, le Texas en premier lieu, s’inquiètent de cette situation et comparent l’évolution du dollar et sa possible/probable catastrophique issue au collapsus de l’Union Soviétique. La dédollarisation devient alors une des voies majeures possibles, non plus pour un simple changement d’organisation des relations internationales, mais pour une mise en cause de l’entièreté du Système de notre civilisation.
Au rythme des BRICS
Commençons par la dédollarisation, disons “classique”. Chacun sort un plan de ses laboratoires secrets, comme si chacun se tenait prêt, comme c’est le cas le plus récemment de l’Indonésie, – dont on rappelle sans étonnement qu’elle est une candidate potentielle à l’entrée dans les BRICS :
« L’Indonésie suit l’exemple du groupe BRICS dans sa politique d’abandon du dollar américain dans les transactions commerciales et financières, selon la banque centrale du pays. Jakarta a introduit des transactions en monnaie locale pour régler les échanges transfrontaliers, a rapporté le portail SINDOnews, citant le gouverneur de la Banque d’Indonésie, Perry Warjiyo.
» “L’Indonésie a commencé à diversifier l’utilisation de la monnaie sous la forme de transactions en monnaie locale. L’orientation est la même que celle des BRICS. En fait, l’Indonésie est plus concrète”, a déclaré M. Warjiyo vendredi, lors d’une conférence de presse organisée en marge de la réunion du conseil des gouverneurs.
» L’Indonésie a déjà mis en œuvre cette pratique avec un certain nombre de pays, tels que la Thaïlande, la Malaisie, la Chine et le Japon, a-t-il ajouté. Elle prévoit également de signer un accord de coopération avec la Corée du Sud concernant les transactions en monnaie locale au début du mois de mai. »
A Ce point, on peut faire une synthèse des diverses poussées de fièvre dans le domaine de la dédollarisation, devenue une activité aussi populaire que la mystique de Wall Street ou le PMU. Bien entendu, les BRICS sont en première ligne et l’on peut déjà offrir un historique sur plusieurs années d’une des grandes révolutions des relations internationales, avec d’innombrables conséquences politiques en plus des aspects économiques évidents.
…Allant au-delà dans le domaine de la psychologie par la perception de la symbolique des grands mouvements internationaux, on peut même avancer l’idée que la dédollarisation s’impose comme le verrou qui fait sauter à une vitesse proprement extraordinaire, et dans un climat psychologique qui semblait n’attendre que cela, une narrative qui ne croit plus guère à elle-même et qui devient ainsi un complet simulacre de l’hégémonie américaniste.
« La déclaration de M. Warjiyo intervient alors que le bloc économique des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) affirme travailler à la mise en place d’un réseau de paiement commun afin de réduire la dépendance à l’égard du système financier occidental, et du dollar en particulier. Les pays membres ont accru l’utilisation des monnaies locales dans leurs échanges commerciaux et travaillent également à l’établissement d’une nouvelle monnaie de réserve.
» Le mois dernier, le Brésil et la Chine ont signé un accord pour commercer dans leurs propres monnaies, abandonnant ainsi le billet vert comme intermédiaire.
» Les tentatives de la Chine d’abandonner le dollar dans le commerce international se sont intensifiées dans le contexte des sanctions radicales prises par les pays occidentaux à l’encontre de la Russie, l’un des principaux producteurs et exportateurs mondiaux d’énergie. Les responsables politiques indiens ont également pris plusieurs mesures pour abandonner le billet vert au profit du rouble et de la roupie dans leurs échanges avec Moscou.
» La Russie a commencé à dédollariser son économie en 2014, lorsque l’Occident a introduit la première série de sanctions contre le pays à propos de la Crimée. Depuis l’année dernière, Moscou encourage l’utilisation de monnaies alternatives dans les transactions, le président Vladimir Poutine ayant suggéré plus tôt que le yuan chinois soit utilisé plus largement, non seulement dans les échanges avec la Chine, mais aussi dans les transactions de la Russie avec les pays d’Afrique et d’Amérique latine. Les dernières données de la Banque de Russie montrent que le yuan est devenu un acteur majeur du commerce extérieur russe. »
Le Texas et la dédollarisation
C’est à ce point que nous voudrions proposer la mise en évidence d’une intervention faite sur le site ‘TheDuran.com’ par le duo Christoforou-Mercouris recevant le commentateur US (texan) Mike Adams, de ‘Brighteon.TV’. D’une façon générale, nous suivons volontiers Christoforou-Mercouris dans leurs choix, notamment pour leurs interlocuteurs qu’ils invitent à un entretien. C’est donc le cas pour Adams, que nos découvrons à l’occasion de cette rencontre où il est question de la situation aux USA.
Selon notre expérience et notre appréciation, un commentateur US d’une chaîne TV grand public parlant sur un réseau européen qui est d’une audience beaucoup plus restreinte et sélectionnée, sera inclinée à parler beaucoup plus librement de certains points sensibles dont il a connaissance de ses contacts. C’est de cette façon que nous avons écouté cet entretien, et notamment un passage complètement fascinant où Adams nous parle de la situation au Texas par rapport à Washington et par rapport à la dédollarisation.
Adams intervient à la suite d’une intervention de Mercouris sur la façon dont certains amendements essentiels de la Constitution (notamment le deuxième, sur la liberté d’expression) sont massacrés par l’administration Biden. Mercouris insiste sur le fait que les USA sont, au contraire des nations européennes, bâtis non sur l’histoire mais leur Constitution elle-même, qui les précède, au contraire de l’habitude ; et de ce fait,
« Si la Constitution est bafouée, si elle n’est plus opérative, vous ne vivez plus aux Etats-Unis mais dans quelque chose de différent… Sans la Constitution, les États-Unis n’existent plus... »
Sur ces phrases, Adams intervient presque en interrompant Mercouris, estimant ainsi dire quelque chose d’important, d’essentiel, – et c’est bien le cas :
« Je dois vous dire que j’ai beaucoup de liens avec des personnes très actives dans la politique [dans l’État du Texas] et je peux vous dire que nombre d’entre elles travaillent selon la possibilité que les États-Unis pourraient se désagréger, peut-être selon le schéma de l’éclatement de l’URSS en 1991 et il existe des plans en cours d’étude selon l’idée que le Texas pourrait lancer son propre système monétaire… Par exemple, il y a deux parlementaires de notre législature qui préparent un projet de loi qui prévoirait une monnaie digitale [texane] basée à 100% sur des réserves d’or de l’État conservées près de Waco, au Texas bien entendu, qui sont constituées depuis plusieurs années… »
Les propos d’Adams montrent, autant par le ton que par les informations qu’il donne, qu’il s’agit d’une démarche à la fois institutionnelle et bureaucratique, c’est-à-dire poursuivie par les autorités de l’État (et d’autres États dit-il sans préciser lesquels) et non pas par des centres sécessionnistes politiquement partisans. L’impression qu’on éprouve est celle d’une politique délibérée (et discrète) des milieux dirigeants.
« Le Texas, comme d’autres États [de l’Union], se préparent à la possibilité de devenir sa propre nation… Cela ne veut pas dire que le gouverneur pousse en ce moment pour la séparation, mais un certain nombre de personnes très influentes et très avisées sont en train de se préparer à une désintégration des USA sur le modèle soviétique, compte tenu du fait que Washington D.C. est en train d’évoluer vers un modèle soviétique, avec un département de la Justice agissant de cette façon… »
D’autres précisions placent la situation décrite par Adams dans le flux de la dédollarisation, liant ainsi les situations extérieure et intérieure des USA et éclairant la responsabilité de la politiqueSystème dans la fragilisation et sans doute la désintégration des USA. La situation de la sécession est envisagée avec un grand optimisme, ce qui mesure par contraste le pessimisme extrême concernant la situation actuelle de l’Union à partir d’un Washington devenu à la fois fou, gâteux et soviétisé. Adams termine en saluant Robert Kennedy Jr., dont la candidature soulève effectivement beaucoup d’intérêt (et beaucoup d’opposition du Système, comme on l’imagine).
« Mais, dans le cas d’une désintégration, les États qui auront leur propre monnaie connaîtront une sorte de nouvel âge d’or, n’ayant plus à payer les taxes fédérales et ayant un système monétaire efficace et honnête… Le Texas et d’autres États envisagent très fortement de bénéficier considérablement d’un effondrement du dollar… Avec un très fort courant de dédollarisation qui accélère, le dollar pourrait tomber à zéro, ce qui ne fait aucun doute dans mon esprit, et le gouvernement qu’il alimente pourrait s’effondrer en conséquence dans le chaos et il y aurait alors des États, ou des regroupements régionaux avec leurs propres monnaies, temporairement ou définitivement, et l’Union pourrait alors se réformer avec une nouvelle capitale, je suis ouvert à de telles possibilités… Hè ! Peut-être Robert Kennedy Junior pourrait devenir le président de nouveaux États-Unis ! Qui sait, et bien des gens se préparent à de telles possibilités… »
Le fil rouge de la dédollarisation
L’essentiel dans cet assemblage de nouvelles, c’est le lien qu’on trouve établi d’une façon structurelle entre la situation politique extérieure des USA (l’expansion, l’hégémonie) et la situation intérieure des USA (l’union des États, établie d’une main de fer en 1865 avec la victoire du Nord de la Guerre de Sécession). Comme l’observe Mercouris à un autre propos, mais proche de celui qu’on constate, il s’agit de l’extrême nécessité pour l’existence des USA, d’un lien entre la situation de stabilité intérieure et la situation d’extension et d’hégémonie extérieure.
Ce phénomène la dédollarisation tel qu’il se apparaît désormais dans sa complète vérité-de-situation montre qu’il existe un lien absolu entre l’existence des USA et la politique expansionniste des USA (la politiqueSystème, avatar du Système, comme les USA eux-mêmes). Si l’on veut, c’est le démenti cinglant apporté au discours d’adieu de Washington en1796, lorsque le premier président des USA affirma que les États-Unis ne devraient jamais se laisser aller à des aventures extérieures impliquant des engagements politiques. Il justifiait l’isolationnisme, que toute l’histoire des USA depuis 1865 combat et qui est aujourd’hui devenu absolument impossible à admettre psychologiquement.
La dédollarisation tel qu’on l’observe démontre absolument la validité de l’équation “surpuissance (aventure extérieure, hégémonie) = autodestruction (dédollarisation, effondrement de l’unité intérieure)”. Il s’agit de rien moins que de l’affrontement ultime entre des composants des USA (les États) qui veulent échapper à un destin tragique et “l’Indicible” désigné par l’historien James W. Douglass à propos de l’assassinat de Kennedy à Dallas en novembre 1963.