Les Démocrates au pouvoir à Washington vont vers une défaite aux élections de mi-mandat. La seule incertitude concerne l’ampleur de la défaire qu’ils vont essuyer. Mais peuvent-ils l’accepter? Nous n’avons plus affaire à l’Amérique des années 1970, dont la capacité de rebond était quasi-intacte, malgré l’humiliation au Vietnam. Le pays est très divisé politiquement, l’oligarchie au pouvoir est profondément corrompue, l’économie chuterait sans le complexe militaro-industriel? Alors la tentation pourrait être forte de « laisser faire » un grave incident en Ukraine, que l’on attribuerait aux Russes et qui ressouderait la « communauté internationale » autour des USA. Est-ce pour cela que les Russes ont dénoncé aussi haut et fort la volonté ukrainienne de faire exploser une « bombe sale »?
Pourquoi le ministre de la Défense britannique, Ben Wallace, s’est-il rendu de toute urgence à Washington alors que le gouvernement d’Elisabeth Truss était démissionnaire? Pour chercher un soutien dans la guerre de succession pour le poste de Premier ministre? Vraiment?
Ou bien était-ce pour une raison beaucoup moins avouable. Les Russes auraient-ils intercepté une conversation entre Britanniques et Ukrainiens sur la question d’une “bombe sale?”
La facilité avec laquelle les médias français (à l’unisson), reprenant le discours atlantiste, envisagent une frappe nucléaire à Kherson est non seulement malsaine, mais inquiétante. Cette rhétorique, propagée sous couvert des propos de l’ambassadeur d’Ukraine en France, cache mal cette provocation nucléaire atlantiste, dont la Russie s’inquiète et qui pourrait avoir des conséquences significatives, non seulement pour la suite du conflit, mais en ce qui concerne les relations internationales pour une longue période à venir. Car si les relations entre les pays atlantistes et la Russie sont déjà au plus mal, nous atteindrions alors un point de non-retour. Pour les générations à venir.
Difficile de trouver ces derniers jours un média français, qui ne soulève pas avec tout le sérieux de circonstance la question du recours à l’arme nucléaire par la Russie à Kherson. Kherson, où l’armée russe a arrêté toutes les offensives de l’armée atlantico-ukrainienne ces derniers temps, lui causant des pertes significatives et en hommes et en armements. Kherson, que la Russie a intégré dans son territoire national.
Quel serait alors l’intérêt pour l’armée russe de recourir à l’arme nucléaire sur son propre territoire, sur sa propre population ? Aucun, en revanche provoquer une explosion nucléaire à Kherson, qui serait ensuite imputée à la Russie entrerait parfaitement dans l’intérêt du clan atlantiste : la Russie deviendrait un Etat criminel pour avoir utilisé l’arme nucléaire (puisque son utilisation n’est manifestement légitime que pour les Etats-Unis, qui ne portent aucune responsabilité pour ce crime) ; la Russie perdrait des alliés, déjà peu courageux, sur la scène internationale ; un grand show politico-médiatique serait lancé, à côté duquel le crash du Boeing de la Malaysia Airlines dans le Donbass, ayant conduit à l’arrêt net de l’avancée de l’armée du Donbass, serait un conte pour les enfants ; et ainsi, en fin de compte, les Etats-Unis tenteraient, de surcroît avant les élections intermédiaires, de réduire à néant les efforts de la Russie pour renverser la situation, qui commencent par ailleurs à porter leurs fruits (les référendums d’intégration, les bombardements de sites stratégiques et énergétiques en Ukraine, le renfort d’hommes, etc.).
Le but de cette provocation nucléaire pour le clan Atlantiste serait de produire un choc, psychologique et politique, d’une telle intensité, qu’il remanierait et brouillerait totalement les cartes concernant la Bataille d’Ukraine.
C’est bien dans cette logique, que la Russie prévient des dangers de la tentation de l’utilisation d’une bombe sale par l’armée atlantico-ukrainienne à Kherson – ou ailleurs. Sans même parler du désastre humain et écologique suite à la contamination pour une longue période, cela sonnerait également l’entrée dans une très longue période glacière entre les Atlantistes et la Russie. Ces derniers 5 jours, de nombreux coups de téléphone ont eu lieu entre le ministre russe de la Défense et son homologue américain, puis avec la France, la Grande-Bretagne et la Turquie. Le Chef de l’état-major russe a lui aussi, hier, passé la journée au téléphone avec ses homologues russes. La diplomatie est également entrée dans la danse, pour tenter de faire revenir tout ce petit monde à la raison. Voici un rapide résumé de la situation présentée hier après-midi sur le site d’information Tass.
En ce qui concerne les déclarations du ministère russe de la Défense :
« Le ministère russe de la Défense a mis ses forces et ses moyens en état d’alerte pour agir « dans des conditions de contamination radioactive », car il dispose d’information concernant la volonté de Kiev d’utiliser une « bombe sale ». (…) Le ministère de la Défense dispose d’informations, selon lesquelles Kiev envisage de faire exploser une « bombe sale » en Ukraine pour intimider les résidents locaux et accuser Moscou d’utiliser des armes nucléaires tactiques. Le plan de la partie ukrainienne, selon le ministère, est de faire passer l’explosion d’une « bombe sale » comme le « fonctionnement anormal d’une arme nucléaire russe de faible puissance ». Selon le ministère, deux organisations ukrainiennes ont des « instructions précises » pour créer ces armes et leur travaux « sont au stade final ».
De plus, comme l’a dit Kirillov, le ministère de la Défense dispose d’informations sur les contacts de l’Office du Président de l’Ukraine avec des représentants de la Grande-Bretagne « sur la question de l’obtention éventuelle d’une technologie pour créer des armes nucléaires ». L’Ukraine, a souligné le général, possède des matières premières pour la « bombe sale » dans ses centrales nucléaires, y compris Tchernobyl, et des entreprises minières, ainsi que la base scientifique nécessaire à Kiev et Kharkov. »
En ce qui concerne le ministère russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov a fait plusieurs déclarations :
« Les informations sur la préparation d’une « bombe sale » par Kiev ont été revérifiées, et ce n’est pas une vaine accusation de Moscou, a souligné Lavrov. Selon lui, la Russie a l’intention de soulever cette question à l’ONU.
Le ministre des Affaires étrangères a également assuré que la partie russe disposait d’informations sur des organisations ukrainiennes spécifiques impliquées dans la « bombe sale ». Il ne les a pas nommées.
Les déclarations publiques de méfiance de l’Occident à l’égard des avertissements russes ne signifient pas que les informations de Moscou sont prises à la légère dans les discussions internes, a déclaré le ministre. »
En effet, tous les pays atlantistes, en choeur et bien disciplinés, ont immédiatement déclaré n’être au courant de rien et les Etats-Unis, avec la France et la Grande-Bretagne se sont fendus d’une déclaration commune ne laissant aucun doute, quant à leur intention d’aller jusqu’au bout :
« Personne ne serait dupe » si Moscou prenait prétexte de l’emploi par Kiev d’une « bombe sale » évoqué par le gouvernement russe, affirment Paris, Londres et Washington dans une déclaration conjointe. Dans ce texte, les trois ministres des affaires étrangères « rejettent les allégations, à l’évidence fausses, de la Russie selon lesquelles l’Ukraine se prépare à utiliser une bombe sale sur son propre territoire. Personne ne serait dupe d’une tentative d’utiliser cette allégation comme prétexte à une escalade ».
La Russie s’est adressée à l’ONU, demandant une réunion du Conseil de sécurité sur cette question pour aujourd’hui, mardi 25 octobre. Selon Nebenzia, le représentant de la Russie à l’ONU, l’utilisation d’une bombe sale serait considérée par la Russie comme un acte de terrorisme nucléaire.
L’escalade du conflit continue son cours, puisqu’il ne peut être question de concession, comme le reconnaissent les Etats-Unis eux-mêmes – c’est l’existence de leur monde, qui est en jeu.
Karine Bechet Golovko
Looks like Russia was able to intercept and decode conversations between MI6 and the Pentagon. Suspicions are that the conversation was related to the assembly and use of a Dirty Bomb in the Ukraine. The British Defense Secretary had to fly to Washington same day due to breach
— Prepared Man (@Retiremyass) October 25, 2022
Hamlet sur le Potomac
Les historiens pourront examiner, un jour, la véracité de cette hypothèse. En revanche, il est certain que le Ministre russe de la Défense, Sergueï Choïgou, a contacté dimanche 23 octobre les trois membres permanents “occidentaux” du Conseil de Sécurité, qui sont aussi des puissances nucléaires. Et il leur a fait part de son inquiétude quant à la possibilité que Kiev se livre à une provocation en faisant exploser une “bombe sale”, fabriquée à partir de déchets nucléaires.
Et depuis dimanche, la Russie ne cesse de crier haut et fort que les Ukrainiens ont de très mauvaises intentions. Les Américains et les Britanniques ont répondu prudemment. Paris s’est réfugié dans un silence prudent.
Deux hypothèses:
+ Les Occidentaux s’apprêtaient à laisser faire. Après tout, ils ont laissé l’armée ukrainienne bombarder la centrale nucléaire d’Ernegodar depuis le mois d’août. Rien ne saurait nous étonner. La situation de chaos qui s’ensuivrait, serait le seul moyen de rattraper une situation qui semble bien compromise pour l’Ukraine et ses sponsors OTANiens depuis que Vladimir Poutine a fait basculer quatre régions dans le territoire de la Fédération de Russie.
+ Ou bien l’apprenti-sorcier occidental voit son “balai” ukrainien lui échapper totalement. Et le gouvernement ukrainien est suffisamment désespéré pour s’enfoncer dans la politique du pire – suivant sa pente nihiliste.
En réalité, les Américains contrôlent trop ce qui se passe à Kiev, et surtout, les opérations militaires sur le terrain, pour être totalement sur la défensive face à un gouvernement kiévien aux abois.
Prenons un scénario intermédiaire:
- Kiev, depuis le mois d’août, est prêt à la politique du pire (voir centrale d’Energodar régulièrement bombardée).
- Washington est dans la situation du “Parrain” qui ne peut pas lâcher un de ses petits alliés car ce dernier a un véritable pouvoir de nuisance. Et qui le laisse faire en se disant qu’il peut toujours y avoir à profiter de la situation.
Pour les Américains, il devient de plus en plus évident qu’une victoire spectaculaire sur le front de Kherson ne surviendra pas avant les mid-terms. Alors, un nouveau Tchernobyl….?
Seulement voilà: les Russes ont éventé le petit jeu pervers entre Washington, Londres et Kiev.
Et puis, même au sein du Parti Démocrate, on commence à dénoncer le climat de peur de l’apocalypse qui règne dans les médias et dans une parti de l’opinion.Des pressions gigantesques ont été exercées sur les trente parlementaires démocrates qui avaient signé une lettre à Biden lui demandant de négocier avec la Russie. Les signataires ont aggravé la situation en disant qu’ils avaient écrit la lettre en fait en juin dernier: ah bon? Donc les tensions au sein du Parti Démocrate sont déjà anciennes?
Alors Biden est sans doute condamné à être un Hamlet du “nouveau Tchernobyl”. Et vu son état de santé, il est loisible de penser qu’il ne passera jamais à l’acte à la différence du personnage de Shakespeare:
Source : Le Courrier des Stratèges & Les moutons enragés