Il était une fois un roi maléfique dont les ancêtres avaient traversé un grand océan jusqu’à un vaste pays. Là, ils avaient massacré à coups de bâtons de feu et de pestes ou bien fait prisonniers les peuples indigènes de cette terre riche et fertile, dont le sol contenait de nombreux minéraux. Les autres nations de la terre appelaient ce pays Mordorica, car c’était un pays de mort et de destruction.Ce roi maléfique y régnait d’une main de fer et personne ne pouvait lui résister, ni à ses nombreux courtisans maléfiques, que le roi payait en or. Le Roi cupide avait l’habitude d’envoyer ses grandes armées et flottes à la conquête des autres peuples du monde, essayant de conquérir des terres encore plus grandes que la sienne.
Son ingéniosité pour faire violence aux autres ne connaissait aucune limite et il faisait appel à des hommes habiles, dotés de connaissances astucieuses, pour fabriquer des armes toujours nouvelles. Celles-ci étaient destinées à tuer ses ennemis de manière toujours nouvelle, qu’il s’agisse de grandes machines en fer qui se déplaçaient toutes seules, ou qui volaient dans les airs et sous les océans, ou de minuscules microbes, conçus pour tuer un peuple particulier. Ses ateliers sombres et sales dégageaient tant de fumée qu’il était impossible de distinguer le jour de la nuit. Des feux maléfiques y brûlaient et le bruit qui en provenait était semblable à un grand fracas et à un tonnerre.
Le roi maléfique et rusé possédait tant d’or qu’il avait volé dans d’autres pays qu’il pouvait acheter presque tout, et, comme il le pensait, acheter presque tout le monde, comme il le voulait. Seuls ceux qui croyaient fermement en quelque chose d’autre pouvaient lui résister. Mais il croyait pouvoir acheter l’âme de tout le monde, interdisant aux autres d’acheter quoi que ce soit dans les pays qui suscitaient sa colère. Et plus il devenait puissant, plus il devenait mauvais et rusé.
Les gens comprenaient que l’on ne pouvait accorder aucune confiance au Roi maléfique car il avait appris à beaucoup de ses sujets à raconter des mensonges avec des mots et des images animées. On ne pouvait pas croire un seul mot de ce qu’ils disaient et on savait que le contraire de ce qu’ils disaient devait être vrai. Comme le roi parlait toujours avec sa langue fourchue, on l’appelait le grand menteur. Son Empire des ténèbres, qui jetait une grande ombre sur toute la terre, on l’appelait l’Empire du mensonge.
Ainsi, ce roi fut dur et conquit de nombreux souverains et pays et tua les peuples de grandes nations, bien, bien plus anciennes que la sienne. Il a détruit et mis à terre même les plus anciennes et les plus renommées des cités. Ses actes d’infamie suscitèrent la peur parmi tous les peuples du monde, qui furent contraints d’acheter et de vendre uniquement avec ses propres pièces de monnaie, qui portaient son image, et de parler sa langue étrange.
De nombreuses années passèrent et le peuple d’un pays autrefois grand se souleva, car il ne voulait plus acheter ou vendre avec l’argent de ce roi. Ils commencèrent à se battre contre les armées du Roi afin de libérer leurs frères et sœurs réduits en esclavage dans d’autres pays. Au grand étonnement de beaucoup, le Grand Menteur commença à perdre sa guerre, car ses bâtons de feu étaient tous brisés. Les gens de son Empire du Mal commencèrent à souffrir et ils ne croyaient plus aux mensonges de ses mots et aux mensonges de ses images animées.
Même les mers et les airs ne voulaient pas obéir au Roi du Mal. La terre trembla, le soleil et la pluie se retournèrent contre le Roi du Mal. Les arbres brûlèrent de peur et les vents soufflèrent puissamment, le grain ne poussa pas dans les champs et les rivières s’asséchèrent. Et la méchanceté était sur toutes les terres de la terre où régnait le mauvais Roi. Les hommes disaient qu’ils étaient des femmes et les femmes disaient qu’elles étaient des hommes et les enfants ne voulaient pas naître, car ils craignaient de vivre dans un tel pays.
Et puis d’autres pays anciens se sont soulevés contre le mauvais roi. Et tous s’unirent et dirent : nous aussi, nous voulons vivre par nos âmes, comme le faisaient nos ancêtres. Et ils ont dit : Nous voulons parler notre propre langue, acheter et vendre dans notre propre monnaie, où nous voulons, nous voulons être libres de vivre comme l’ont fait nos ancêtres avant nous. Nous sommes fatigués de ce roi étranger et maléfique, de ses manières étrangères et des mensonges de son empire des ténèbres.
A cette époque, même le peuple de Mordorica se demandait pourquoi sa vie était devenue si dure. Il en était de même pour les peuples des pays dont les souverains avaient été achetés par Mordorica. Ils se demandaient pourquoi ils ne pouvaient plus manger comme avant et pourquoi ils semblaient avoir si peu de pièces. Ils s’agitèrent et élevèrent la voix. Leurs souverains ont pris peur et l’ont dit au roi de Mordorica. Celui-ci demanda aux chefs de tuer tous ces gens, car il disait qu’ils étaient tous méchants. Mais c’était le roi de Mordorica qui était méchant. Les souverains lâches eurent très peur, car les peuples se soulevaient, et les uns après les autres, ils s’enfuirent à Mordorica et se cachèrent.
L’histoire de la chute de Mordorica et de la mort de leur roi pour ses nombreux mensonges sera racontée. Ce fut le début d’un nouveau monde. Mais je vous raconterai cela dans un autre livre et à un autre moment.
LE COMMENCEMENT DE LA FIN
Batiushka
Traduit par Hervé, relu par Wayan, pour le Saker Francophone