Relancer une crêperie locale, ouvrir une épicerie, créer un projet agricole ou artisanal et artistique avec la possibilité de faire des ateliers au sein de l’éco-hameau ou dans le centre-bourg, les options sont multiples pour les futurs habitants.
Face à l’artificialisation des sols et la difficulté de plus en plus grande pour la population d’accéder à la propriété, la commune bretonne de Commana cherche des habitants à l’année pour transformer un terrain communal en éco-hameau. Objectif : sauver l’école du village et faire vivre 6 à 8 foyers en harmonie avec le Vivant sur les fabuleux Monts d’Arrée pour qu’ils créent une activité économique, artisanale ou agricole dans la commune.
En quête de résidents permanents
Les 1000 habitants de la commune de Commana sont unanimes. Il fait bon vivre dans ce coin rural de la Bretagne. Située au cœur des Monts d’Arrée, dans le Parc Naturel Régional d’Armorique, Commana a la particularité de s’étendre sur 3990 hectares, ce qui en fait l’une des plus grandes communes de France.
Dans cette région sauvage et préservée, le paysage est typique de la Bretagne : landes sèches, forêts de sapins, bocages feuillus et de tourbières. Les randonneurs et fans de trail évoluent au milieu des mégalithes (menhir, dolmen) et des monuments patrimoniaux (chapelles, enclos paroissiaux, vieilles bâtisses en pierre).
Malgré ce cadre idyllique, la commune a vécu un coup dur en 2018, lorsque le collège a été déplacé dans une commune voisine. Alors, lorsque la nouvelle liste municipale a été élue en 2020 avec un programme assez ambitieux autour de la transition écologique, l’objectif premier était de trouver une façon d’accueillir de nouveaux habitants à l’année.
Parmi les 10 mesures de leur programme : créer des habitats participatifs pour favoriser l’émergence d’écolieux.
« Ici, la pression foncière n’est pas la même que sur le littoral. Les vieilles maisons à retaper se vendent très bien, mais sont souvent utilisées comme résidences secondaires. Ce qui nous intéresse, c’est d’avoir une population à l’année qui contribue à faire vivre nos territoires. Or, on a remarqué qu’un lotissement classique avec des maisons individuelles, construit il y a quelques années, comprenait encore des lots vacants. De nombreuses personnes souhaitent vivre autrement aujourd’hui, plus en accord avec la nature, on voulait donc s’adresser à ce type de population pour permettre l’accès à la propriété à des personnes qui n’auraient pas forcément les moyens de s’acheter une maison. » explique Fanny Saint-Georges, adjointe en charge du projet, pour La Relève et La Peste
L’élue connaissait déjà la démarche de l’association Hameaux Légers. C’est pourquoi, quand leur email est arrivé au moment où le terrain municipal qui accueillait l’école franco-bretonne Diwan (déménagée dans les locaux de l’ancien collège) se libérait, tout est allé très vite. L’équipe municipale a rapidement décidé de dédier ce terrain communal constructible de 3 400 m², déjà raccordé à l’eau et l’électricité, pour créer un éco-hameau accueillant 6 à 8 foyers.
Une autre façon d’habiter la Terre
Plutôt que réaliser sur ce terrain un projet d’aménagement « classique », la mairie a voulu limiter son impact environnemental en cherchant une alternative à la bétonisation. Déjà abîmé par des aménagements précédents, notamment des chemins en gravier, cet ancien site de camping aurait eu des difficultés à être complètement ré-ensauvagé. Le projet proposé par l’association Hameaux Légers est donc tombé à point nommé.
« Cette friche a déjà l’habitude de la réversibilité. Ce projet est super important pour notre association car il a gagné l’Appel à manifestation d’intérêt (AMI) gouvernemental « Démonstrateurs de la ville durable : Habiter la France de demain » dans le programme d’investissement d’avenir. Ils choisissent 30 opérations d’aménagement exemplaire sur le plan social et environnemental dont ils vont accompagner la faisabilité, avec 300 millions d’euros accordés à la construction et à la réplicabilité. C’est une grosse surprise de faire partie des 9 premiers lauréats car d’habitude, ce sont toujours les gros écoquartiers qui sont choisis. Il y a donc un enjeu à ce que cela devienne un projet pilote pour toute la France ! » se réjouit Xavier Gisserot, co-fondateur de l’association Hameaux Légers, auprès de La Relève et La Peste
Pour encourager les candidatures, le cadre fixé par la mairie est très souple. La location du terrain et ses réseaux eau/électricité sera d’environ 60€ par mois et par foyer qui choisiront et construiront eux-mêmes l’habitat léger dans lequel ils souhaitent vivre. La commune paiera un architecte. Seule condition : qu’il soit réversible. En plus du terrain habitable, une parcelle non constructible d’environ 4000m2 devrait être incluse dans le projet afin de permettre aux foyers de créer un potager et verger.
« Chacun des 6 à 8 foyers partagera des espaces communs avec ses voisins (buanderie, chambre d’amis, salle commune, etc) afin de réduire les coûts et l’impact écologique tout en créant du lien. Constitués en association, les habitants loueront le terrain aménagé à la commune à travers un bail emphytéotique de 99 ans et géreront ensemble le lieu, notamment les arrivées et les départs. En cas de départ, les habitats pourront être démontés ou déplacés pour permettre à d’autres familles de s’installer. » précise l’association Les Hameaux Légers
« Le bail emphytéotique permet de garder un lien entre la municipalité et le collectif, et nous assurer que les logements soient bien consacrés à une habitation permanente. Pour la sélection, on va veiller à ce que le groupe qu’on accueille soit mixte en terme d’âge. On n’ira pas regarder dans le détail de qui fait quoi, mais plutôt de ce que ça peut amener au territoire en terme de dynamique globale. On a des locaux commerciaux vacants au bourg, tout est à imaginer… » détaille Fanny Saint-Georges, adjointe en charge du projet, pour La Relève et La Peste
Relancer une crêperie locale, ouvrir une épicerie, créer un projet agricole ou artisanal et artistique avec la possibilité de faire des ateliers au sein de l’éco-hameau ou dans le centre-bourg, les options sont multiples pour les futurs habitants.
« Pour nous, cet écohameau participe à la résilience territoriale car on essaie de faire société avec moins. Pour les gens qui habiteront sur place, on est en plein dedans avec un mode de vie sobre et la mutualisation de moyens tout en étant intégrés dans le territoire, à la différence de certains écolieux plutôt coupés du reste du monde il y aura une vraie intégration sociale afin de faire bouger les mentalités locales. » sourit Fanny Saint-Georges, adjointe en charge du projet, pour La Relève et La Peste
Les personnes sélectionnées recevront un accompagnement gratuit pendant un an pour définir au mieux leur projet individuel et collectif. Et l’idée plaît ! L’association a déjà reçu de nombreuses questions, tout l’enjeu va être de réussir à transformer ces candidatures individuelles en candidature de groupe.
Deux visioconférences sont prévues le 21 mai de 10h à 12h (lien Zoom) et le 8 juin de 18h à 20h (lien Zoom) pour répondre aux premiers curieux. Les 2 et 3 juillet, un événement sera également organisé sur Commana afin de faciliter les rencontres, visiter le terrain, découvrir la commune et mûrir le projet. Le démarrage des travaux d’aménagement et de construction des espaces communs est prévu pour l’été 2023.
L’association Hameaux Légers, forte de 7 salariés et 1500 adhérents, compte bien essaimer ces initiatives sur tout le territoire : elle a recensé une centaine de groupes souhaitant créer un projet et accompagne actuellement 7 collectivités dont Trémargat (Côtes-d’Armor), St Cézaire-sur-Siagne (Alpes-Maritimes) et Guipel (Ille-et-Vilaine).
Pour expérimenter d’autres manières d’Habiter, l’association Hameaux Légers invite le plus grand nombre à son premier festival de l’habitat réversible et participatif « Les Palourdes », (parce qu’on aime les maisons pas lourdes, expliquent-ils en riant), qui aura lieu du 15 au 17 juillet 2022, dans l’écolieu l’Escampette en Loire-Atlantique.
Pour en savoir plus sur le projet de Commana, rdv sur le site de l’association Les Hameaux Légers
Lire aussi : L’association Hameaux Légers créé le premier MOOC sur l’habitat réversible13 mai 2022 –
Laurie Debove pour La releve et la peste