Victoria Nuland, actuelle sous-secrétaire d’État américaine, est obligée de conserver un profil bas. Qu’à cela ne tienne. Depuis, elle a avantageusement été remplacée pour ce qui restait à commettre de sa doctrine de « fuck the EU ». Ursula von der Leyen s’en charge. La présidente de la Commission européenne a réussi son putsch tout en douceur. Non seulement depuis deux ans, la fonctionnaire agit avec des prérogatives usurpées de chef d’État, prenant décision sur décision sur des sujets plus stratégiques les uns que les autres. Mais encore, elle a donné un tour sovieto-atlantiste à l’Union européenne que personne n’a vu venir. C’est sous cette double casquette que ce matin, von der Leyen entreprenait le pèlerinage à Kiev, la Jérusalem des intérêts otanien depuis 2014.
Sa caravane se compose de Josep Borell, l’homme d’appareil espagnol aux instincts d’adaptation et de survie politique les plus acérés. Naturellement, elle était flanquée d’un Premier ministre d’une république de l’Est. En l’espèce, le slovaque Edouard Heger. Sous von der Leyen, le poids de l’Union s’est déplacé vers les républiques orientales, acquise à Washington et à l’Otan, avec ce zèle propre aux nouveaux convertis.
Il suffit de lire les messages postés sur le compte Twitter de l’allemande pour comprendre que toute la communication institutionnelle de l’Union est tournée vers les intérêts atlantistes. Et, l’Est de l’Europe est la zone sous plus haute influence atlantiste du monde, en dehors des États-Unis et du Royaume-Uni. Avec une exception toutefois, l’insolente Hongrie de Viktor Orban, pour qui aucune sanction communautaire ne saurait être suffisante. Ursula von der Leyen a également eu la Pologne en ligne de mire. Mais, cette animosité s’est éteinte une semaine avant l’intervention russe en Ukraine, lors de la nomination de Mateusz Morawiecki au poste de Premier ministre. Pour Morawiecki, l’Europe occidentale aurait déjà dû déclarer la guerre à la Russie.
Ce penchant vers les républiques de l’Est n’est pas une faveur qu’elle leur fait. Elle affaiblit les institutions qu’elle touche de sa baguette clientéliste. Ursula von der Leyen représente une notion de la démocratie anucléée. Elle est le prototype de ces fonctionnaires ou entités sans légitimité populaire, porteurs d’un discours ultra moralisant. Plus les républiques de l’Est sont européistes, plus la censure y sévit, plus se dévalue la fonction représentative. En Moldavie, une loi vient d’être votée contre la « désinformation ». Le texte bannit toute publication qui n’entrerait pas dans les clous du discours officiel, soit atlantiste, woke, étranger aux valeurs locales. Décevant au regard de l’appétit de démocratie pour des peuples qui en ont, si longtemps, sinon toujours, été privés. La Pologne elle-même a fait l’objet d’un début de procédure d’infraction en 2021, parce qu’elle avait jugé certains articles de la Constitution européenne non conforme à sa propre Charte. Dans le cadre de cette UE, à qui on a infligé les choses que lui souhaitait Victoria Nuland, le droit positif ne devrait plus être le produit de législateurs nationaux.
Mais la présidente de l’UE sait faire entorse à son tropisme oriental. Elle admet dans sa zone d’empathie la Suède, depuis que celle-ci a manifesté son intention d’entrer dans l’Otan. Pour le reste, pas un commentaire sur une réalité politique, économique, culturelle, sociale qui aurait à voir avec le groupe des États fondateurs ou les complexes réalités de l’Europe méditerranéenne. Le ton atlantiste que l’on a observé au cours de cette surprenante conférence de presse, accordée sur le même pied protocolaire que Joe Biden, lors du triple sommet UE, G7, Otan n’est pas un épiphénomène. Ursula von der Leyen fait de l’entrisme.
Ursula découvre donc la guerre. Elle prend part. Elle fait cas omis de toutes les provocations et des manipulations propres à cette autre guerre qu’elle connaît mieux, la guerre de l’information. Elle ne va pas à Kiev dans le cadre d’une mission de paix. Parole qu’elle ne prononce jamais, par ailleurs. Elle y va en tant que « supporter ». Ses éléments de langage entrent dans le cadre d’un discours partial, belliciste, consistant à jeter de l’huile sur le feu. Aucune prudence ne lui est requise. Elle est plénipotentiaire. En guise d’identifiant sur son compte de l’oiseau bleu, elle affiche le drapeau de l’Ukraine. Il n’y a pas de précédent pour d’autres nations en conflit.
Est-ce que si les crimes de guerre commis par l’armée ukrainienne se confirmaient, les États membres de l’Union, représentés malgré eux par von der Leyen, seraient accusés de complicité intellectuelle ? Les images d’exécution de soldats russes par l’armée ukrainienne paraissent désormais dans la presse mainstream. Zelensky a lui-même admis avoir intégré dans l’armée régulière les forces assassines du Bataillon Azov. Il est des informations et des images de plus en plus troublantes sur les exactions massives commises par les troupes ukrainiennes, non seulement dans le Donbass où elles ont perpétré plus de 13 000 assassinats, entre 2014 et 2022. Sans parler des viols, arrestations arbitraires, actes de tortures, tout fait recensés par Amnesty International et l’agence Human Right Monitoring Mission en Ukraine. Mais il est aussi les assassinats commis contre les Ukrainiens ethniques, identifiés comme tels, dans des circonstances qui devraient faire l’objet de nombreuses investigations indépendantes du fait de la massivité des documents circulant.
Il est urgent de douter. Y compris et surtout du massacre de Boutcha et de l’attentat de vendredi à Kramatovsk. L’Ukraine est une plaque tournante du trafic d’armes vers des zones en conflits où elles font des milliers de civils : en Afrique, au Moyen-Orient et en Amérique Latine. Ces trafiquants évoluent dans l’orbite du pouvoir de Kiev et leur réseau, pour pouvoir opérer, est d’ordre transatlantique. S’il est un pays au monde où il faut savoir à qui l’on a affaire, c’est l’Ukraine.
Les doutes sur la très intense communication de guerre de Zelensky sont de mises. La présence de journalistes en temps réel lors du « bombardement » de la maternité de Marioupol interroge. Les vidéos d’humiliation contre des Ukrainiens qui auraient ouvert leur porte à des soldats russes pour une raison ou l’autre, sont terribles et trop nombreuses pour les balayer d’une main. Au minimum la prudence est de mise, et la prudence s’accompagne de la neutralité. La semaine dernière, la présidente du Parlement européen, la maltaise Roberta Metsola est, elle aussi, allée manifester son allégeance. Les lignes sont de plus en plus floues. Dans le cas de Metsola, impossible de savoir si ce déplacement correspond à un mandat politique de son pays, du parlement européen, ou à une visite privée.
La mission de tous les fonctionnaires, y compris von der Leyen, est de veiller au bon fonctionnement des institutions payées par le contribuable européen. Et par bon fonctionnement, il faut entendre l’intérêt de ses 447 millions de personnes. Aujourd’hui, von der Leyen a encore promis des millions à ce pays. N’y a-t-il pas de problèmes en Europe ? N’y a-t-il pas d’autres drames dans le monde ? Ne devrions-nous pas veiller à ne pas générer une nouvelle famine en Afrique, pour des raisons morales d’abord et pour notre sécurité ensuite ?
L’Ukraine ne peut pas être la passion monothématique de cette dame. Surtout lorsque l’authenticité de ses bonnes intentions se trouve fortement comprise. Ursula von der Leyen appartient à cette catégorie de personnel politiquement exposé, affecté d’une étonnante propension à cumuler des conflits d’intérêts stratosphériques, de ceux qui peuvent changer la vie de peuples entiers, mais en mal. Une propension qui les rend malléables à toute forme de manipulation et pour qui une guerre sainte est particulièrement bienvenue pour faire oublier leur degré de corruption. On pense aux textos de von der Leyen avec le PDG de Pfizer, Albert Bourla, au mail de Hunter Biden et l’incroyable constellation de corruption de la famille Biden, aux relations véreuses entre Emmanuel Macron avec le cabinet McKinsey.
Auteur : Teresita Dussart | Editeur : Walt
– Source : FranceSoir