Auteur(s): FranceSoir
Le 9 mars dernier, des images chocs de la maternité de Marioupol, en Ukraine, défrayaient la chronique. Selon les sources d’informations occidentales, le bâtiment a été bombardé par les forces russes. Parmi les blessés, la photo de Marianna Vishegirskaya enceinte, capturée par l’Associated Press (AP), émeut l’opinion publique. Trois semaines après l’événement, l’influenceuse beauté ukrainienne reparaît sur YouTube, en accordant cette fois un entretien à un vidéaste russe. La vidéo est intitulée « Interview de la fille de la maternité de Marioupol : la vérité sur les militaires, l’explosion, et les journalistes d’Associated Press ». L’histoire qu’elle y raconte met à mal le récit occidental. Autour de cette jeune femme, une guerre de l’information est lancée.
On la voyait le visage ensanglanté, descendant les escaliers délabrés de la maternité avec le ventre gonflé par son bébé. Le cliché a rapidement fait le tour du monde et Marianna est, peut-être malgré elle, devenue un symbole ukrainien représentant les « crimes de guerre ». Le 2 avril dernier, on la retrouve assise sur un canapé beige, le visage un peu pâle, esquissant toutefois quelques sourires, en train de répondre aux questions de Denis Seleznev. Là, le récit est bien différent de celui qui était diffusé par l’Ukraine : elle explique en substance ne pas être sûre qu’il y ait bien eu un bombardement, que les soldats ukrainiens ne faisaient pas montre d’une grande sympathie, et que les journalistes d’AP l’ont filmée contre son gré. Elle a l’air plutôt détendue en début de vidéo, semble parfois contenir son agacement, mais ne parvient pas à cacher son émotion jusqu’à la fin. Au moment où elle semble « craquer », écran noir pendant cinq secondes. Le plan change légèrement, elle paraît moins triste mais davantage stressée, et s’adresse directement à Volodymyr Zelensky à la demande de son interlocuteur. Le Figaro rapporte ses propos :
« Cher président de l’Ukraine Vladimir Alexandrovitch, vous nous aviez promis que l’armée ukrainienne pourrait nous protéger, mais finalement la ville s’est transformée en cage. Plus personne ne peut en sortir. […] La majorité de la ville n’existe plus, sans parler de toute une partie de la population. Les habitants sont en train de mourir, des soldats des deux côtés, aussi. Les gens ont perdu espoir, l’espoir qu’ils pourraient survivre et s’en sortir (…) S’il vous plaît, il faut essayer de se mettre d’accord, de trouver des compromis, parce que c’est devenu insupportable. C’est douloureux de voir tout ça, et, là-bas, on vit dans la peur. Il faut essayer de trouver une solution à ce problème. »
La vidéo est partagée par certains comptes gouvernementaux russes, ainsi que sur le compte Telegram de Marianna. Aussitôt, AP se défend de toutes les accusations en dénonçant un faux récit de la jeune femme. Les autres médias se mettent en branle et enchaînent les « debunkages« . C’est une quasi-certitude : elle a été manipulée par les Russes.
Pour AP, elle ment. Non seulement « les récits de témoins oculaires et les vidéos des journalistes de l’AP à Mariupol démontrent l’existence d’une frappe aérienne », mais en plus, Marianna « est consciente qu’elle est filmée, et ne montre pas qu’elle est contre. » L’agence de presse redirige son lectorat vers une de ses vidéos pour prouver ses dires. Difficilement visionnable sur YouTube à cause des « règles de la communauté » qui en limitent le contenu, nous avons pris la liberté de télécharger la vidéo afin de l’intégrer ci-dessous :
https://app.videas.fr/embed/6f10f848-8159-4eda-b560-418675c5da42/#
Dans les premières secondes, on entend un bruit sourd qui pourrait être un avion, et le bruit d’une explosion. Quand l’image apparaît cependant, seulement de la fumée, pas d’avion visible. La preuve n’est pas d’une évidence criante, surtout en temps de guerre.
Ensuite, l’agence filme l’évacuation des blessés à travers les décombres. On voit alors une autre femme enceinte, blessée et transportée sur un brancard par les soldats. À ce sujet, l’ambassade russe au Royaume-Uni avait d’abord assuré qu’il s’agissait d’un montage et que les deux femmes étaient en réalité une seule et même actrice : Marianna Vishegirskaya. Dans la nouvelle vidéo du 2 avril, cette affirmation est aussi mise à mal. Marianna est catégorique : ce n’était pas elle. Elle explique avoir appris entretemps que l’autre femme est malheureusement décédée, avec son bébé.
En somme, l’information en temps de guerre est rapidement mise à mal. Une chose est sûre, comme nous le partageait le journaliste et écrivain Radu Portocala : « L’opinion publique peut tout accepter, si c’est bien présenté et si c’est émouvant ».
Auteur(s): FranceSoir