Ah, décidément, si Emmanuel Macron avait été élu en 2017, combien de réformes et de changements aurait-il pu apporter à ce pays qui en a tant besoin ! Nonobstant et comme le second tour de l’élection présidentielle approche maintenant à petits pas chaloupés, le même candidat multiplie donc actuellement les propositions sur des sujets hétéroclites pour s’attirer les bonnes grâces des électeurs.
Ce qui nous permet de découvrir au détour d’un entretien accordé à l’un des journaux de révérence habituels qu’il a maintenant des idées bien arrêtées concernant Internet et les réseaux sociaux.
Pour lui, pas de doute, les réseaux sociaux sont nocifs, et peut-être même aussi nocifs que l’anonymat !
Avec sa gourmandise habituelle, la presse s’est d’ailleurs empressée de titrailler fermement sur sa volonté de « démantèlement de Facebook », alors qu’il faut ici comprendre que le candidat à un nouveau mandat présidentiel souhaite essentiellement mettre en place un contrôle plus ferme des plateformes de réseaux sociaux, notamment en y interdisant l’anonymat d’une façon ou d’une autre.
Et comme ces réseaux sont à la fois un service public et en plus, ils sont français, on imagine sans mal que la tâche sera donc aisée : de la même façon qu’il a été très simple d’interdire l’un ou l’autre site en bloquant simplement son nom de domaine (ce qui ne bloque à peu près rien du tout), qu’il a été simple d’empêcher les internautes de contourner censures et bannissements (que ce soit avec l’usage des VPN ou des sites alternatifs), il sera fort simple là encore d’empêcher les pratiquants d’accéder aux réseaux qu’ils ont envie d’atteindre.
Au passage, les rares pays à réellement tenter et parvenir partiellement d’empêcher l’accès à l’internet sont des exemples de démocratie comme la Chine ou la Corée du Nord. On ne sera donc qu’assez peu surpris de voir Emmanuel macron prendre ici exemple sur de tels États. Après tout, c’est le Président français qui a réussi à parquer plus de 60 millions de ses concitoyens chez eux et à ne les autoriser à sortir que munis d’un petit papier d’auto-humiliation, c’est ce même président qui est aussi parvenu à faire croire qu’aller dans des bars boire un coup, dans les restaurants pour manger ou dans les cinémas pour voir une toile était un privilège insigne qu’on ne distribuait qu’aux seuls citoyens responsables et officiellement désignés comme tels…
Dès lors, n’autoriser l’accès qu’à certaines plateformes internet, et seulement à certaines populations n’est qu’une étape supplémentaire qui ne posera intellectuellement aucune difficulté à toute la clique politique en place actuellement.
Et si l’on peut s’accorder sur l’aspect addictif et parfois néfaste de ces réseaux, cela reste d’autant plus préoccupant que cette addiction montre surtout la volonté des uns et des autres d’échapper à une réalité de plus en plus morose dont l’actuel Président est pourtant directement responsable : on ne peut s’empêcher de noter le parallèle entre la montée de l’addiction aux émissions télé les plus avilissantes, des réseaux sociaux les plus toxiques et la dégradation de plus en plus rapide de la qualité des débats économiques, politiques et sociétaux de la société occidentale actuelle, et de l’avachissement culturel et moral qui l’accompagne.
Il n’y a pas de hasard : l’effondrement intellectuel de l’ensemble des médias occidentaux explique le report de plus en plus massif des citoyens vers les moyens alternatifs où le niveau n’est pas meilleur mais où l’hypocrisie est sinon absente au moins plusieurs degrés de magnitude inférieure. Il n’est qu’à voir les épaves journalistiques comme Le Monde, le Figaro ou Libération, l’affolante médiocrité des radios et télévision d’État, il n’y a qu’à comparer ce qu’ils furent il y a 30 ou 50 ans avec la diarrhée intellectuelle qu’ils produisent tous actuellement en jet continu pour comprendre que ces réseaux sociaux ont d’autant mieux attiré du public qu’ils permettaient au moins à une partie des opinions ouvertement dissidentes de s’y exprimer. L’apparition de nouvelles plateformes (Gettr, Rumble, etc.) participe actuellement de la même dynamique.
Bien évidemment, ceci a été très bien compris des dirigeants actuels, qui n’ont de cesse depuis ces dernières années d’y mettre un terme, tant du côté des politiciens que des dirigeants de ces plateformes qui ont bien mesuré tout l’intérêt de jouer autant que possible le jeu de ceux qui ont actuellement l’argent, le pouvoir et les moyens de coercition.
Cependant, l’envie d’Emmanuel Macron de régenter, de réguler, de démanteler et de contrôler les pensées des citoyens ne s’arrête pas là puisqu’il évoque aussi l’anonymat pour lequel le locataire de l’Élysée a un avis fort tranché :
« Dans une société démocratique, il ne devrait pas y avoir d’anonymat. On ne peut pas se promener encagoulé dans la rue. Sur Internet, les gens s’autorisent, car ils sont encagoulés derrière un pseudo, à dire les pires abjections. »
Encore une fois, l’analyse du représentant officiel de McKinsey rue du Faubourg St Honoré est un peu courte : c’est bien plus l’absence de risque qui pousse les uns et les autres à sortir les « pires abjections ».
Du reste, Macron n’est pas différent lorsqu’il enfile ses âneries vexantes et ses sophismes outranciers depuis le début de son mandat et ce d’autant plus qu’il est constamment protégé par ses gardes du corps et son service de sécurité. À la nervosité qu’il affiche lorsqu’il doit discuter avec le tout venant en période électorale, il semble évident que sans cette protection et sans l’assurance de ne pas courir de risque, sa langue serait moins bien pendue.
Il en va de même partout ailleurs, dans la rue ou sur les réseaux sociaux : la politesse et les bonnes manières sont d’autant plus présentes qu’une implacable rétorsion sera appliquée en cas de manquements. Le laxisme actuel de la justice pour les exactions observées dans la rue explique sans mal l’accroissement de ce qu’on qualifie pudiquement d’incivilités ou de harcèlement et qui auraient jadis valu à leurs auteurs de fermes bastonnades aussi méritées qu’éducatives. L’actuel débordement et l’encombrement de la justice par les myriades de crimes sans victimes et sa désorganisation complète par une législorrhée ininterrompue rassure par sa lenteur et son laxisme celui qui veut « sortir les pires abjections ».
Il n’y a pas de hasard : l’anonymat ne joue en rien, au contraire de la quasi-certitude de se sortir sans encombre des « pires abjections »…
Plus pragmatiquement, l’anonymat sur internet est une chimère : les autorités savent déjà vous trouver si elles le veulent, et peu nombreux sont ceux qui savent vraiment conserver leur anonymat ou protéger efficacement leur vie privée et leur identité sur les réseaux.
Enfin, on devra se rappeler que cet anonymat, du reste nécessaire pour le vote – quoi de plus démocratique ? – a aussi été employé, de tous temps, par ceux dont la parole était trop sulfureuse pour le pouvoir en place : depuis les pamphlets anonymes prérévolutionnaires jusqu’aux noms de plume dans les journaux, l’anonymat n’a pas été utilisé exclusivement pour déverser des insultes mais s’est régulièrement rendu indispensable pour fournir textes et arguments aux opposants, notamment politiques. La disparition de l’anonymat permet de forcer sans subtilité le silence chez certains opposants et d’écraser la dissidence.
Et c’est bien ces derniers que vise en réalité le petit marquis de l’Élysée, qui ne souffre plus qu’on puisse ainsi railler sa politique et ses pénibles péroraisons télévisuelles. Oubliant que ce n’est pas parce qu’on n’a rien à cacher qu’on a l’obligation de tout montrer, Macron montre à nouveau son vrai visage de petit tyran en souhaitant ainsi régenter anonymat et réseaux sociaux.