par Baptiste Lambert.
Les prix du baril de pétrole WTI et de Brent repartent à la hausse, se rapprochant de leurs records de 2008. Mais plutôt que de s’attarder sur les prix des barils, l’attention devrait plutôt se porter sur le diesel, selon certains spécialistes. Et par conséquent sur le mazout de chauffage et le kérosène.
Il y a deux jours, 3 des plus grands négociants en matières premières – Vitol, Gunvor, et Trafigura – ont indiqué au Financial Times que les sanctions à l’encontre de la Russie pourraient amputer l’offre de 3 millions de barils de pétrole par jour. Une baisse qui mènerait à une pénurie de diesel, expliquent-ils.
« L’Europe importe environ la moitié de son diesel de Russie et l’autre moitié du Moyen-Orient », a déclaré Russell Hardy, chef du négociant en pétrole Vitol, basé en Suisse. « La pénurie systémique de diesel est là. »
Amrita Sen, analyste pétrolier en chef chez Energy Aspects, a déclaré que « le diesel est de loin le produit pétrolier le plus touché », car l’Europe en importe près d’un million de barils par jour de Russie.
Pour l’heure, seuls les États-Unis, le Royaume-Uni, le Canada et l’Australie ont entamé un boycott du pétrole russe, mais l’Europe est indirectement touchée. De plus, certaines entreprises prennent le devant et se retirent du marché : TotalEnergies a annoncé mercredi mettre fin à ses contrats d’achat de diesel russe, « dès que possible et d’ici la fin de 2022 au plus tard ». Shell l’a fait dès le 11 mars. La menace d’un embargo sur le pétrole russe par l’Europe semble dans ces circonstances peu réaliste.
Vers des rationnements de mazout ?
Le diesel, très utilisé dans le transport mais aussi comme mazout de chauffage en Europe, nécessite un pétrole raffiné et de qualité. Or, une bonne part des produits pétroliers transformés passe par la Russie, tandis que les raffineries européennes sont piégées par la hausse des prix du gaz. L’hydrogène est en effet nécessaire pour enlever le soufre présent dans le diesel.
Un pétrole de qualité, on n’en trouve pas partout autour du globe. Le pétrole de schiste américain n’est pas assez riche pour faire du diesel ou du kérosène. Le pétrole du Moyen-Orient est lui fort chargé en soufre tout comme celui du Venezuela, ce qui coûte plus cher. Il faudrait comme alternative au diesel russe augmenter les extractions de pétrole du Nigéria ou d’Angola, explique le blog spécialisé 2000Watts, mais cela nécessiterait des investissements colossaux et dans tous les cas impossibles à court terme.
Peu de politiques ou de médias en parlent pour le moment, pour légitimement ne pas créer de panique. Mais de plus en plus d’experts tirent la sonnette d’alarme. Au Royaume-Uni, des rationnements sont sérieusement envisagés.
L’Agence internationale de l’énergie a, elle, prescrit une série de stratégies pour faire face aux pénuries de pétrole. Des mesures qui rappellent les crises pétrolières des années 70 et 80, avec des limitations de vitesse, des dimanches sans voiture et une baisse générale de la consommation.
En 2019, 42% des véhicules en Europe ont utilisé du carburant diesel.
• Rappel : « Au secours, la crise énergétique arrive » (Charles Gave)
source : Olivier Demeulenaere