Aux racines de la « théorie du complot », un outil de contrôle de la pensée
La publication en français du présent ouvrage revêt littéralement un caractère de salut public. Tous les professeurs le savent : entreprendre de transmettre des savoirs portant sur des phénomènes que les étudiants n’ont jamais rencontrés rend, par l’abstraction que cela suppose, l’opération incertaine. En revanche, si vous présentez des clés de lecture, peu après qu’ils en ont fait l’expérience (et possiblement souffert dans leur psychisme et leur chair), l’intégration des connaissances se fera comme celle d’un verre d’eau absorbé au sortir du désert.
Dans son ouvrage, Lance de Haven-Smith décrit et décode les tours et les manipulations qui ont mis nos sociétés sens dessus dessous depuis un funeste mois de janvier 2020. Malgré l’envergure et la complexité de l’analyse, le propos est pourtant fort simple. Dans son acharnement à effacer des pans entiers de la réalité, notre civilisation en vient (entre autres) à nier l’un des principes les plus fondamentaux des systèmes de gouvernance : ainsi que notre espèce en a acquis la nécessaire conscience au cours des âges, ceux qui détiennent le pouvoir tendent naturellement à en abuser, et à ourdir toutes sortes de conspirations pour camoufler leurs agissements derrière de vertueuses professions de foi et des discours qui, comme on le dit, « ne mangent pas de pain ». Ce repère évident constitue un garde-fou dont le déni – l’Histoire nous l’a montré encore et encore- ouvre la porte au pire.
Analysant l’exploitation politique de l’étiquette de « théorie du complot » aux États-Unis, de Haven-Smith relève ainsi que la Déclaration d’Indépendance, document fondateur de la démocratie américaine, identifie et nomme sans fausse pudeur cette tendance naturelle à la conspiration des gouvernants. Toute la construction démocratique vise à prévenir ce danger à travers une triple ambition : 1° rendre impossible toute dérive tyrannique par la séparation des pouvoirs et la puissance des contre-pouvoirs, selon le vœu cher à Montesquieu ; 2° garantir la santé des processus décisionnels par la surveillance des gouvernants, lesquels doivent rendre des comptes de leurs actions en toute transparence, car ils sont les serviteurs du peuple, selon le « contrat social » de Rousseau, dans lequel le peuple est Souverain ; 3° instruire enfin les individus pour qu’ils deviennent des citoyens aptes à comprendre raisonnablement le monde et à effectuer des choix éclairés, sans se laisser aliéner par les premiers passionnés du pouvoir venu. Cette instruction était considérée comme indispensable par Condorcet.
La conclusion de l’auteur est d’une perspicacité géniale : le dénigrement a priori de certaines hypothèses, sans leur laisser le crédit de l’examen, au moyen de l’étiquette de « théories du complot » indique qu’une conspiration est en cours. Entendons-nous bien : il existe évidemment des élucubrations qui présentent des caractéristiques psychopathologiques de délire de persécution. Ce phénomène est aujourd’hui bien connu, décrit et documenté dans la littérature de la psychopathologie, et cela a toujours existé, cela se nomme le délire de persécution, que l’on rencontre sous forme désorganisé dans la schizophrénie[1], et sous la forme systématisée d’une « folie raisonnante », dans la psychose paranoïaque[2]. Pour le résumer à l’essentiel, la complexité du monde, et l’illisibilité qui en découle, sont sources d’angoisse existentielle. La tentation peut donc apparaître de trouver des « explications » sous l’allure déguisée d’interprétations délirantes, dénuées de toute relation à la réalité et à l’expérience, pour réduire l’angoisse vécue, qui est de nature psychotique. L’individu se crée des justifications, peu importe qu’elles soient vraies ou fausses, pourvu qu’elles présentent l’apparence de la raison ; c’est bien de là que les psychiatres Sérieux et Capgras avaient tiré la qualification de « folie raisonnante », pour la paranoïa.
Cette évidence posée, nous pouvons relever que le terme « complotisme » relève de ce registre dénué de sens de la paranoïa. Il s’agit d’un néologisme, tout comme « conspirationniste », qui désigne tous ceux qui s’aventureraient à penser des complots, comme des fous, des hurluberlus, des gens à qui il ne faudrait pas accorder la moindre crédibilité. Ce faisant, on oublie l’essentiel : ces complots existent-ils ou non ? Sont-ils vrais ou faux ? Cette absence de logique est caractéristique du délire. « Complotisme » est donc tout simplement un terme délirant, car il désigne tout à la fois quelque chose et son contraire. Parce que si ces complots sont vrais, celui qui affirme leur existence est un philosophe. Ou un résistant. Si ces complots sont faux, c’est un paranoïaque, qui voit des faux complots partout. Et le paranoïaque est l’inverse du philosophe, car le philosophe fonde sa pensée sur le principe logique de non-contradiction, tandis que le délire paranoïaque est truffé de paradoxes, et ne s’embarrasse pas de savoir si le discours correspond à la réalité de l’expérience, ou encore, à une quelconque vérité logique. Voilà où nous en sommes réduits : à ce que l’immense philosophe italien Giorgio Agamben ait pu être traité de « complotiste », alors qu’il n’avait fait que rappeler des principes de base de la philosophie morale et politique, depuis Socrate. Car, devons-nous le rappeler ? La philosophie morale et politique, ainsi que la métaphysique, sont les disciplines des Sciences Humaines qui permettent d’organiser la vie des hommes en société, en tenant compte de la singularité de l’expérience humaine. Les mathématiques et les statistiques n’ont pas la légitimité de régir nos vies en société[3], sous peine de réduire la vie humaine à un + (cas positif) ou un – (cas négatif), et de justifier des soustractions de vies humaines si « la gestion » de l’ensemble le justifiait d’un point de vue arithmétique (politiques de stérilisation, génocides, au nom d’une nécessaire « dépopulation » mondiale, etc.). Koestler ne dénonçait pas autre chose, dans Le Zéro et l’Infini. Si l’on veut prétendre mathématiser l’existence humaine, elle ne peut correspondre qu’à ce qui ne se laisse pas saisir : le zéro, et l’infini. La philosophie politique et morale, ainsi que la métaphysique, ont en revanche toute légitimité de remettre au centre du débat le sacré de la vie humaine. Il est un fait que les philosophes n’ont eu de cesse que de dénoncer les complots qui étaient faits contre les peuples. Il suffit de songer à la condamnation à mort de Socrate, à la suite d’un complot des oligarques qui étaient passablement indisposés par la propension du philosophe à transmettre les fondements de la pensée critique, en particulier à la jeunesse. Ou encore, pensons à Cicéron, qui dénonce en 63 av. J.C., devant le Sénat romain, la conjuration de Catilina : Quousque tandem abutere, Catilina, patientia nostra ? Jusqu’à quand enfin, Catilina, abuseras-tu de notre patience ? Catilina complote contre les intérêts de la République romaine, et Cicéron dénonce le complot. O tempora, o mores, Ô temps, ô mœurs, soupirait alors le consul romain Cicéron, qui aurait été aujourd’hui sacrifié sur l’autel du « complotisme », pour avoir insisté sur l’importance, en matière d’investigation criminelle, de toujours se demander : à qui profite le crime ? Il est dans la nature du pouvoir de comploter : car il s’agit de se hisser au sommet, mais ensuite, de s’y maintenir. Et moins on est légitime pour s’y maintenir, plus il faudra s’agripper au sommet par différentes méthodes peu orthodoxes, qui impliquent de manipuler en coulisses. Pour les Médicis, qui régnèrent pendant des siècles sur Florence, aux prises avec des familles concurrentes, une certaine expertise en complot était nécessaire : le philosophe Machiavel fut l’un des conseillers de cette grande famille, qui l’envoyait régulièrement dans des missions diplomatiques où il devait obtenir des informations-clés, et deviner les intentions des autres dirigeants. Tel est le renversement caractéristique de notre époque : pour évacuer (et donc éviter) de vraies questions, les tenants de l’idéologie dominante stigmatisent le questionnement. Ils construisent en quelque sorte une « théorie du complot » inverse pour éviter que nous puissions envisager l’hypothèse probable selon laquelle des conspirations aient lieu, et nous empêcher surtout de supposer leur existence. Or, dans la mesure où la passion pour le pouvoir consiste souvent à confisquer des privilèges dans son propre intérêt, il est bien logique que les passionnés du pouvoir se sentent persécutés par ceux qui ne disposent pas des privilèges, ou à qui ces privilèges ont été confisqués.
Aujourd’hui, la pensée sur les complots du pouvoir est immédiatement disqualifiée et criminalisée, par des Cerbères (toujours les mêmes, pensons aux Zététiciens, que nous avons subis à plusieurs reprises), dont le rôle est de renifler puis d’aboyer en cas de danger pour le pouvoir dominant. Il ne faudrait tout de même pas que la pensée ait l’audace de penser les crimes des puissants de ce monde. « Complotiste » et « conspirationniste » sont des néologismes qui traduisent la corruption de la langue et la perversion du discours actuel, qui s’accommode d’une confusion entre la vérité et le mensonge.
Circulez, il n’y a rien à penser.
Guy Debord, dans La société du spectacle, écrivait que « le secret généralisé se tient derrière le spectacle, comme le complément décisif de ce qu’il montre et, si l’on descend au fond des choses, comme sa plus importante opération. » Les complots du pouvoir sont liés au secret.
Circulez, il n’y a rien à voir.
Ils ne doivent pas être évidemment découverts. Plus il y a de secrets, plus les complots sont grands, et multiples. C’est le fameux secret pervers, ou encore, toujours en citant Debord : « notre société est bâtie sur le secret, depuis les « sociétés-écrans », qui mettent à l’abri de toute lumière les biens concentrés des possédants jusqu’au « secret-défense » qui couvre aujourd’hui un immense domaine de pleine liberté extrajudiciaire de l’État. »
Circulez, il n’y a rien à chercher. L’histoire est désormais connue : le procédé est une trouvaille habile de la CIA pour mettre en échec la contestation des conclusions du très douteux rapport Hoover portant sur l’assassinat du président Kennedy. En jetant ainsi a priori l’opprobre sur des remises en question non seulement censées mais encore nécessaires, les manipulateurs ont réussi à agglutiner l’opinion publique d’une manière dont ne peut que rêver toute tyrannie : en rendant taboue toute contestation. L’auteur décrypte les exploitations de cette ficelle gigantesque se résumant à la formule : criminaliser la pensée pour que la pensée ne découvre pas des crimes. Et ce n’est pas nouveau ! Car cela permet d’accuser autre soi, et d’inverser l’accusation criminelle : Néron, lorsqu’il met en scène l’incendie de Rome, accuse les chrétiens, qui mettaient en danger, par leur foi en la vie éternelle, le pouvoir temporel de l’Empire romain. Bien pratique, d’être soi-même au sens littéral, le pyromane, le pompier, le persécuteur, le sauveur et le juge. Avec l’étiquette « complotiste », le messager est dépeint comme un criminel par les gouvernements pour que les crimes d’État (qu’il révèle) restent occultés. Telle est la mise en scène moderne du « bouc émissaire » : il faut faire taire celui par qui le scandale arrive. Près de dix ans après la rédaction de ce livre, nous disposons d’une abondante matière à nous mettre sous la dent. Alors que la gestion « sanitaire » de l’épidémie de Covid a souffert d’emblée d’anomalies monstrueuses, les pouvoirs médiatico-politiques ont dégainé préventivement l’étiquette de « complotiste » pour mettre en échec tout questionnement ou même rappel des bonnes pratiques usuelles en la matière. Les choses étaient (pour une fois) fort simples : cela fait plus de vingt ans que l’Occident se prépare à l’éventualité d’affronter une pandémie sévère. Nos autorités de santé ont donc élaboré au cours des ans des plans d’action pour pouvoir, le moment venu, y faire face, sur la base des connaissances accumulées en santé publique, lesquelles se sont ainsi trouvé résumées en 2006 par le Pr Donald Henderson, épidémiologiste célèbre crédité de l’éradication de la variole : « L’expérience a montré que les communautés confrontées à des épidémies ou à d’autres événements indésirables réagissent mieux et avec moins d’anxiété lorsque le fonctionnement social normal de la communauté est le moins perturbé. Une gouvernance politique et de santé publique forte, pour rassurer et garantir que les services de soins médicaux nécessaires sont fournis, sont des éléments essentiels. Si l’un ou l’autre n’est pas optimal, une épidémie gérable peut se transformer en catastrophe[4]. » Au lieu des bonnes réponses, nous avons assisté, pour une épidémie respiratoire de gravité moyenne (comparable selon les paramètres pertinents à une grippe un peu forte), à l’imposition de mesures qui n’avaient jamais été envisagées du fait de leur inutilité et de leur nocivité connues et avérées de longue date. Pour en donner deux exemples, le confinement d’une population en bonne santé avait été abandonné après le dernier épisode de peste à Marseille à la fin du XVIIIème siècle et relégué avec les purges et les saignées au rang des superstitions sanitaires et médicales. Le port du masque en population générale ne fait pareillement aucun sens pour contrer la propagation d’un virus respiratoire, sinon en tant que fétiche, au même titre que les gousses d’ail pour éloigner les vampires. Même en salle d’opération, porté selon un protocole très strict, le masque chirurgical ne sert au mieux qu’à limiter la circulation des bactéries, mais aucunement des virus… Les mesures connues pour être utiles, comme de laisser les médecins généralistes soigner leurs patients avec les remèdes à disposition, d’insister sur les méthodes pour augmenter son immunité naturelle, ou de préserver le fonctionnement le plus normal possible de la société (comme cela a été fait en Suède et rapidement dans différents états américains, sans le moindre dommage évidemment), ont en revanche été mises en échec. À ces absurdités majeures[5], dont le principe premier de considérer un virus comme un ennemi auquel il faut déclarer une guerre n’est pas la moindre aberration, s’est imposée une pensée unique étouffant tout débat. L’omerta a en particulier été écrasante dans les milieux médiatiques, académiques et scientifiques : les rares questionnements et contestations soulevés ont valu à leurs auteurs des attaques et une entreprise de « démolition de réputation » systématiques. Les rares audacieux qui en ont fait l’expérience ont servi comme il se doit d’exemples pour les autres, l’intimidation dissuadant d’autres vocations… Ni la pertinence du propos, ni le niveau d’expertise ou les états de service n’y ont fait : des sommités mondiales comme les Pr John Ioannidis, Jay Bhattacharya, Peter McCullough, Martin Kulldorf, Sunetra Gupta ou, (en France), Christian Perronne et Didier Raoult ont été littéralement lapidés, pour avoir rappelé que la science n’était pas à confondre avec les slogans politiques ou les publicités (pompeusement appelées « articles scientifiques ») produites par l’industrie pharmaceutique. Le soussigné, spécialiste notamment de ce qui est décrit sous le terme de « corruption systémique », a pu observer un phénomène fascinant. Le concept décrit une distorsion généralisée dans les décisions de politique publique favorisant des intérêts particuliers au détriment de la santé de la population – par un ensemble de procédés légaux et illégaux. La dimension aujourd’hui générique de ces procédés est un constat qui a été unanimement posé au cours de la décennie écoulée, et par les meilleures sources. Citons (entre autres) le rapporteur à la santé devant la Commission des Droits de l’homme de l’ONU, la Commission européenne elle-même, des parlements comme la Chambre des communes britanniques ou le Sénat français, de nombreux ex-rédacteurs en chef des principales revues médicales (dénonçant la fraude massive qui y prévaut !), les centres d’éthique et de méthodologie scientifiques des plus prestigieuses universités, etc.[6]. De notoriété publique donc, l’industrie pharmaceutique truque massivement la recherche, influence (voire impose) ses politiques sanitaires aux États, et s’assure des revenus pharamineux en créant des marchés sans souci des conséquences (dégâts collatéraux) sur les populations. Le Pr Peter Goetzsche, auteur d’un ouvrage de référence sur le sujet[7] primé en 2014 par l’association médicale britannique, parle au sujet de cette industrie, preuves à l’appui, de « procédés identiques à ceux du crime organisé » révélant un « mépris répugnant pour la vie humaine ». La prise en compte de ce constat, essentielle pour comprendre la crise sanitaire et protéger la population, a en réalité été niée et occultée depuis le début. Pas un organe de presse ne l’a rappelé, ni n’a conduit la moindre investigation au sujet d’événements clairement frauduleux (comme la parution de faux grossiers dans des revues « prestigieuses » … qui, contrairement à tous les usages, ne les ont même pas vérifiés – reviewed – avant publication). Ou l’autorisation, sans la moindre donnée probante, et l’achat massif par la Communauté européenne d’un médicament hors de prix, inefficace et même dangereux (le remdesivir) alors que des traitements disponibles et bon marché (comme l’ivermertine et la tri-thérapie mise au point à l’IHU Méditerranée-Infection) étaient interdits en dépit des centaines d’études de qualité publiées concluant à leur efficacité. Le Bristih Medical Journal (la moins corrompue des principales revues) a tonné du mieux qu’il a pu, par exemple en novembre 2020 : « La science est actuellement réprimée pour des raisons politiques et financières. Le Covid-19 a déclenché la corruption de l’État à grande échelle, et elle est nuisible à la santé publique. Les politiciens et l’industrie sont responsables de ce détournement opportuniste. Les scientifiques et les experts de la santé le sont également. La pandémie a révélé comment le complexe politico-médical peut être manipulé en cas d’urgence, à un moment où il est encore plus important de sauvegarder la science. La politisation de la science a été déployée avec enthousiasme par certains des pires autocrates et dictateurs de l’histoire, et elle est maintenant malheureusement monnaie courante dans les démocraties. Le complexe médico-politique tend à supprimer la science pour engraisser et enrichir ceux qui sont au pouvoir. Le complexe politico-médical tend à supprimer la science pour engraisser et enrichir ceux qui sont au pouvoir. Et, à mesure que les puissants deviennent plus prospères, plus riches et plus intoxiqués par le pouvoir, les vérités dérangeantes de la science sont supprimées. Lorsque la bonne science est supprimée, les gens meurent.[8] »
Nouvelle tentative, après plusieurs autres, en janvier 2022 : « Les entreprises pharmaceutiques engrangent d’énormes bénéfices sans que leurs allégations scientifiques ne fassent l’objet d’un examen indépendant adéquat. Le but des régulateurs n’est pas de danser au rythme des riches sociétés mondiales et de les enrichir davantage ; il est de protéger la santé de leurs populations. Nous avons besoin d’une transparence totale des données pour toutes les études, nous en avons besoin dans l’intérêt du public, et nous en avons besoin maintenant.[9] »
La répression préventive de toute mise en lumière des procédés de corruption a été assurée par cela même que Lance de Haven-Smith analyse magistralement dans le présent ouvrage : l’étiquette de « complotiste » a été diligemment dégainée et collée par des policiers de la pensée (journalistes et universitaires en tête, suivi de près par des politiciens flairant l’aubaine) sur le front de quiconque osait même questionner la « version autorisée » officielle. Le « complotiste » est l’équivalent moderne du « social-traître », à la différence que le « social-traître » était censé trahir les intérêts de la classe ouvrière, tandis que le « complotiste » trahit ceux de la classe dirigeante ! L’autocritique préalable a été introjectée par la population : toute velléité de poser une question ou de soulever une objection aux mesures sanitaires (pourtant absurdes) s’accompagne systématiquement aujourd’hui de la précaution oratoire « je précise bien que je ne suis pas complotiste, mais… » Tout comme son pendant « je ne suis pas antivax, mais… »
Il convient de mesurer la prouesse : les injections géniques expérimentales imposées mondialement ne sont pas des vaccins pour deux raisons. En premier lieu, elles ne procurent aucune immunité contre le nouveau coronavirus, la définition normale d’un vaccin étant « préparation thérapeutique conférant une immunité contre un agent infectieux particulier ». Certes les « autorités de régulation » ont opportunément changé cette définition pour contourner l’obstacle, mais dans le « vrai monde » de la « vraie médecine », il ne s’agit simplement pas d’un vaccin. En second lieu, son mode d’action est radicalement différent de celui de tous les autres vaccins précédemment créés. Faire passer ces produits géniques comme appartenant à la même catégorie n’est pas honnête. Identifier publiquement comme « antivax » les opposant à un produit expérimental qui n’a rien d’un vaccin est une réussite de propagande. Mais hélas aussi une tuerie psychique : lorsque l’on systématise les inversions sémantiques (avec au passage une tonalité accusatoire), on saccage les repères du psychisme individuel et collectif, en ouvrant la route à la dérive totalitaire. Selon la fulgurante sagacité de l’auteur, il conviendrait à l’inverse de réfuter sans états d’âme la manœuvre : « le fait que vous m’accusiez d’être complotiste alors que tant de questions importantes se posent, suggère fortement l’existence d’une conspiration que vous cherchiez à couvrir consciemment ou inconsciemment. » On mesure le chemin à parcourir…
Pour conclure par un petit bouquet de dévoilements, la manipulation décrite est d’autant plus cocasse (ou désespérante) que des conspirations apparaissent effectivement au grand jour. Pour en donner juste quelques exemples, l’inoxydable conseiller de la Maison-Blanche en matière d’épidémies, le Dr Anthony Fauci, a bel et bien conspiré au moins à quatre reprises depuis le début de la crise selon différents documents obtenus au titre de la loi sur l’accès à l’information (FOIA) :
Tout d’abord, il a bel et bien financé des expériences de « gains de fonction » sur les coronavirus de chauve-souris au laboratoire P4 de Wuhan au cours des dernières années (pour les rendre plus pathogènes et contagieux), malgré l’interdiction du gouvernement américain[10].
Au printemps 2020, le Dr Fauci ainsi que les principaux responsables américains ont été informés que l’hypothèse la plus probable au sujet du Sars-CoV-2 était qu’il s’agissait d’un virus expérimental échappé du labo de Wuhan. Ils ont alors orchestré la parution dans The Lancet (multirécidiviste dans la publication de papiers frauduleux) d’une tribune signée par une vingtaine de scientifiques niant cette possibilité et traitant l’hypothèse correspondante de « conspirationniste ». Un véritable cas d’école : quand une hypothèse scientifique est stigmatisée pour couvrir les agissements coupables de responsables, on est bien au cœur de ce que décrit Lance de Haven Smith.
L’efficacité des traitements précoces disponibles a été établie dès le mois d’avril 2020. Une campagne internationale a été alors mise en œuvre, avec bien sûr la publication d’articles truqués, mais aussi le montage d’essais cliniques malhonnêtement montés pour arriver à la conclusion souhaitée. Alors que l’hydroxychloroquine par exemple démontre une efficacité précoce, lors de la première phase de l’infection, l’étude britannique Recovery l’a prescrite à des doses toxiques (et même potentiellement létales) à des patients intubés aux soins intensifs… Ceci permettant de conclure qu’aucune efficacité n’avait pu être observée ! Sophisme dont un enfant de huit ans est capable de comprendre la faille logique… mais vraisemblablement pas la « communauté scientifique », qui a pris cette truanderie – et pour cause- pour argent comptant[11].
Enfin, lorsque des épidémiologistes célèbres, œuvrant dans certaines des plus prestigieuses universités (Stanford, Harvard et Oxford) ont entrepris de rappeler les bons principes en santé publique et appelé les gouvernements à renoncer à la politique destructrice mis en œuvre, Fauci a conspiré avec le directeur des National Institutes of Health pour mener une campagne de dénigrement visant à décrédibiliser les auteurs et à les faire passer « pour des marginaux » (sic). Le patron de Facebook, Mark Zukenberg, a été directement sollicité pour aider à la manœuvre en menant une politique de censure et de « fact-checking » fallacieux sur ses réseaux sociaux, ainsi qu’il a dû finalement l’admettre devant un tribunal[12].
Tout ceci confirme (si besoin était) la pertinence des analyses du Pr Lance de Haven-Smith. Hélas, nous ne sommes plus en démocratie : lorsque le débat scientifique et démocratique est rendu impossible par la stigmatisation de certaines hypothèses, nous avons d’ores et déjà basculé dans un système totalitaire, lequel, par définition, ne tolère pas de « seconde opinion » : les choses sont comme les autorités le disent et les acteurs sociaux (« scientifiques », « politiques », « journalistes ») doivent se limiter au fait de confirmer qu’il en est bien ainsi. Ce faisant, ils se renient eux-mêmes dans leur qualité professionnelle pour n’être plus que les lampistes du pouvoir. Certes, non sans avantages (bien que, de notre point de vue, ces avantages puissent être en réalité très précaires). Mais avec une indignité rappelant hélas les heures les plus sombres de notre Histoire. Rien de tout cela n’est ou n’a même été vraiment caché. Nous avions été avertis : entre la « bête de l’événement » annoncé par Emmanuel Macron quelques mois avant le début de cette crise politique de gouvernance (et non pas sanitaire), les propos de Nicolas Sarkozy sur l’émergence inévitable d’une gouvernance mondiale, les prophéties cyniques de Jacques Attali, et les annonces candides en comparaison de Klaus Schwab sur le « Great Reset », grâce auquel « nous serons heureux mais n’aurons plus rien », tout ceci suit diligemment les annonces de ces oracles, nous précipitant semble-t-il à grande vitesse dans un « meilleur des mondes » stalino-capitaliste, avec un système de surveillance bio-informatique absolue et de crédit social à la chinoise, garantissant a priori l’ostracisation (ou pire) des rétifs. Sans un sursaut de conscience radical de la part des « élites » (cette nomenklatura et cette pseudo-intelligentsia qui disposent encore, selon l’expression de Michel Maffesoli, du « pouvoir de dire et de faire »), il n’est pas dit que nous puissions éviter ce devenir annoncé et funeste. La connaissance est pourtant là, pour comprendre le naufrage dans lequel nous nous trouvons embarqués, et le mettre en échec. Le problème est que rien n’est plus redoutable et in fine autodestructeur pour l’espèce humaine que son entêtement (soigneusement stimulé en certaines circonstances) à « ne pas vouloir savoir ».
De manière également prémonitoire, la soussignée donnait en 2017 déjà les clés de ce que nous n’aurons pour l’instant pas su éviter : « En effet, savons-nous seulement que la clef d’un régime n’est ni dans sa Constitution, ni dans ses Chambres parlementaires, ni dans son mode d’élection ou de scrutin, ni dans ses forces de police, mais dans l’information ? Or, lorsque cette information se décline en une propagande mensongère, elle constitue l’une des formes les plus insidieuses de harcèlement. La privation d’information ou sa dissimulation est un élément essentiel des idéologies totalitaires qui contrairement aux idées reçues ne sont jamais proclamées comme telles. Une information impartiale est indispensable à l’exercice de la démocratie et à la détermination d’un libre choix que seul l’examen de toutes les données disponibles peut garantir. Il ne faudrait jamais perdre de vue que l’objectif d’une telle propagande, qui équivaut à harceler un peuple par des procédés rhétoriques pervers, est bien de supprimer la possibilité de choix, principe fondamental d’une démocratie. Ce seul exemple, qui pourtant tombe sous le sens, nous laisse entrevoir certains aspects du harcèlement que l’on ne soupçonnait même pas du seul fait que plus personne n’ose s’aventurer sur ce terrain-là (ce qui est déjà le signe de l’efficacité de ce type de harcèlement dont l’autocensure témoigne, car en régime démocratique, personne ne devrait craindre de quelconques représailles pour s’être exprimé librement). »[13]
C’est l’immense mérite du livre que vous tenez entre vos mains. Il donne l’information indispensable pour rétablir une possibilité de choix. Et donc de science. Et de démocratie. En guise d’hommage à tous ceux qui, pour avoir dénoncé de vrais complots du pouvoir, ont pris des risques sur leur réputation, sur leurs carrières, et pour certains, l’ont payé au prix d’un harcèlement acharné, et même, de leur vie, nous laissons le dernier mot à Socrate lorsqu’il s’adresse à ses juges quelques heures avant sa mort : « Vous venez de me condamner dans l’espoir que vous serez quittes de rendre compte de votre vie ; or, c’est tout le contraire qui vous arrivera, je vous l’affirme. Vous verrez croître le nombre de ces enquêteurs, que j’ai retenus jusqu’à présent, sans que vous vous en aperceviez. Car si vous croyez qu’en tuant les gens, vous empêcherez qu’on vous reproche de vivre mal, vous êtes dans l’erreur. Cette façon de se débarrasser des censeurs n’est ni très efficace, ni honorable ; la plus belle et la plus facile, c’est, au lieu de fermer la bouche aux autres, de travailler à se rendre aussi parfait que possible. Voilà̀ les prédictions que je voulais vous faire, à vous qui m’avez condamné, sur quoi je prends congé de vous. »[14]
Ariane Bilheran, normalienne (Ulm), philosophe, psychologue clinicienne et docteur en psychopathologie, ancienne chargée de cours à l’Université.
Jean-Dominique Michel, anthropologue de la santé et expert en santé publique.
[1] Barthélémy, S., Bilheran, A. 2007. Le délire, Paris, Armand Colin.
[2] Bilheran, A. 2019. Psychopathologie de la paranoïa, Paris, Dunod.
[3] Bilheran, A. Pavan, V. 2022. Le débat interdit, Paris, Trédaniel.
[4] Inglesby TV, Nuzzo JB, O’Toole T, Henderson DA. Disease mitigation measures in the control of pandemic influenza. Biosecur Bioterror. 2006;4(4):366-75
[5] La liste en serait trop longue pour figurer dans une préface.
[6] Michel J.-D., Covid : anatomie d’une crise sanitaire, éditions Humensciences, 2020.
[7] Goetzsche P., Remèdes mortels et crime organisé. Comment l’industrie pharmaceutique a corrompu les services de santé, Presses de l’Université Laval, 2019.
[8] Abbasi K. Covid-19: politicisation, “corruption,” and suppression of science BMJ 2020; 371 :m4425
[9] Doshi P, Godlee F, Abbasi K. Covid-19 vaccines and treatments: we must have raw data, now BMJ 2022; 376 :o102 [10] https://brownstone.org/articles/the-lab-leak-the-plots-and-schemes-of-jeremy-farrar-anthony-fauci-and-francis-collins/
[11] https://lecourrierdesstrateges.fr/2022/01/20/comment-le-dr-fauci-et-des-fonctionnaires-de-washington-ont-cache-au-public-lefficacite-de-livermectine-et-de-lhydroxychloroquine/
[12] https://brownstone.org/articles/the-collins-and-fauci-attack-on-traditional-public-health/
[13] Bilheran, A. 2017. Harcèlement. Psychologie et psychopathologie. http://arianebilheran.com/product-page/harcelement-psychologie-et-psychopathologie
[14] Platon, Apologie de Socrate.
Source