La scène se passe il y a trois ans, et elle n’a jamais été révélée au grand public. Elle fait pourtant partie de ces moments d’héroïsme et de grandeur dont sont capables les petits, les sans-grades, les sans-dents, ceux qui sont si peu et qui pourtant, résistent. Elle s’est déroulée quasiment à l’abri des regards médiatiques, et pourtant…elle sauve l’honneur non pas de la France, cette pourvoyeuse de mort, grande marchande d’armes devant l’éternel, mais bien l’honneur de son peuple tout entier.
Bien qu’elle n’en concerne qu’un petit nombre, jugez plutôt : suite à l’enquête du média indépendant Disclose, et de ses révélations sur les ventes d’armes que Macron a actées pour l’Arabie Saoudite -royaume des coupeurs de tête modérés, mais vous le savez maintenant là c’est pas pareil, puisque nous sommes le camp du Bien- donc suite à ces révélations, qui ne seront bien sûr pas reprises par nos médias mainstream qui aujourd’hui organisent des cagnottes solidaires avec ces malheureux réfugiés ukrainiens…un petit groupe de militants marseillais réalise qu’une livraison de munitions est en cours de chargement sur les quais du Port de commerce de Marseille, à la Joliette.
Il faut savoir que ledit chargement fait partie du contrat d’armement que notre super président « champion de la paix » a négocié avec Bin Salman, et consiste en plusieurs containers d’obus de gros calibre, destinés aux 132 canons d’artillerie Caesar, fleuron de l’industrie de l’armement tricolore fabriqué par l’entreprise Nexter, que la France a négociés avec le régime de Mohamed Bin Salman -oui oui, celui qui a ordonné de tuer et découper un journaliste dans son ambassade en Turquie en 2018, et qui a posé avec son ami Macron sur les marches de l’Elysée juste avant. Ces containers d’obus font donc partie d’un contrat négocié par le camp du Bien pour 5 millions d’euros mensuels. 48 desdits canons sont directement positionnés à la frontière entre le Yémen et nos amis les coupeurs de tête modérés, et tirent depuis 3 positions à travers la frontière, grâce à leur grande portée, pour dégager le terrain à l’infanterie et aux blindés Saoudiens.
Il faut dire qu’il y a là un conflit régional d’ampleur depuis 2014 : la guerre civile Yéménite. Avec d’un côté des rebelles houthis, en guerre contre le pouvoir en place d’une part, et l’intervention d’autres soutiens (Arabie Saoudite pour soutenir le régime yéménite, versus Iran et Corée du Nord qui soutiennent la rébellion houthi). Alors bien sûr, il y a un petit problème.
Oh, juste trois fois rien pour le camp du Bien et son champion l’Arabie Saoudite, qui rêve d’exterminer la rébellion houthi dirigée contre son allié avec les armes livrées par la France : les dizaines de villages remplis de civils dans ces zones, qui se font pilonner à qui mieux mieux. Exactement comme en Ukraine aujourd’hui, maisvous connaissez bien la chanson maintenant… c’est pas pareil : ils ne sont pas blancs, c’est des Arabes.
Les documents ultra secrets qui ont fuité du ministère des armées français, et qui ont permis ces révélations, sont très clairs : « Population concernée par de possibles frappes d’artillerie : 436 370 personnes ». Ca n’est pas jojo le gilet jaune, ou bébert le complotiste pro poutine qui le dit, c’est la Direction du Renseignement Militaire français elle-même. Le gouvernement, malgré les dénégations de sa ministre Florence Parly, sait donc que des centaines de milliers de civils yéménites sont donc directement la cible de ces armes. Mais il y a mieux : depuis la vente de ces canons, le bilan a dramatiquement grimpé.
L’Arabie Saoudite, dans le coin, c’est un peu la Russie du Yémen, BHL et l’indignation à géométrie variable en moins. C’est même beaucoup, beaucoup plus que la Russie : le bilan est aujourd’hui de plusieurs centaines de milliers de morts, dont beaucoup, beaucoup, sont imputables aux armements français manipulés par nos gentils amis les saoudiens.
Petit exemple : a minima « entre mars 2016 et décembre 2018, 35 civils sont morts au cours de 52 bombardements localisés dans le champ d’action de ces canons. » Le média indépendant Disclose a pu prouver ces faits rien qu’en croisant les données d’ONG travaillant sur place -ONG indépendantes qui ne sont en aucun cas, faut-il le rappeler, financées par l’Empire du Mal qu’est devenue la Russie de Poutine. Ca va mieux en le disant quand même : donc ces ONG ont croisé les morts par bombardements, et Disclose a croisé les données recueillies par la fuite des documents du ministère des armées et du renseignement Français, données permettant de géolocaliser avec précision les canons Caesar en question. J’évoque seulement les canons Caesar car j’ai cette anecdote à finir(et je vais y venir). Mais vous vous en doutez, il y a eu bien d’autres armes qui ont été livrées à notre grand ami Saoudien, le coupeur de têtes modéré ami du camp du Bien.
Prenons par exemple les 70 chars Leclerc ultra modernes, qui furent aperçus traversant la frontière et la ligne de front pour foncer vers la ville portuaire d’Al-hodeïda, ville cruciale pour l’approvisionnement en denrées de base des civils yéménites. Bien sûr, les Saoudiens s’en foutaient royalement, et donc en 2019 Al-hodeïda s’est mangée une offensive massive -c’est un peu comme Marioupol mais chez les bronzés, et avec Einthoven et ses pleureuses en moins, voyez.
La bataille d’Al-Hodeïda a fait 55 victimes civiles au minimum. Mais plus grave : elle a coupé l’approvisionnement en denrées de base vitales pour la population civile Yéménite, contribuant ainsi, selon l’ONU, à une des plus grosses famines de l’Histoire, avec désormais plus de 80% des yéménites sous le seuil de pauvreté, et plus de 14 millions de personnes en danger de mort imminente, soit la moitié du peuple yéménite. 14 millions. 14 p*tain de millions. Sans même un seul mot de compassion de la part du camp du Bien.
Mais c’est pas fini, vous allez voir : Car qu’en est-il des avions ? Là aussi, le gouvernement français ment éhontément, en prétendant, par la bouche de son ministre Jean-yves Le Drian, que « nous ne fournissons rien à l’armée de l’air saoudienne ». Il faut dire que, comme le confirment Disclose, les ONG sur place et l’ONU, ce sont bien les attaques aériennes qui sont les plus massives et meurtrières dans ce conflit. Et la Direction du Renseignement Militaire français le savait pertinemment.
« Les attaques les plus meurtrières de la coalition s’effectuent par les airs. Dans leur note, les analystes du renseignement français relèvent que « Riyad conduit depuis mars 2015 une campagne de frappes aériennes massives et continues ». Selon eux, la coalition aurait procédé à 24 000 bombardements depuis 2015. Dont 6 000 pour la seule année 2018.
Le Drian a menti donc, car « Les documents précisent en effet que des avions de chasse saoudiens sont équipés d’un bijou technologique conçu et entretenu par des ingénieurs français : le pod Damoclès. »
« Fabriqué par Thalès, ce système de « désignation laser » fixé sous les avions de combat permet aux pilotes de guider tous les types de missiles. Et même le missile américain Raytheon, qui selon une enquête de la chaîne CNN a tué 12 enfants et trois adultes yéménites, le 20 septembre 2016, dans le district d’Al-Mutama, dans le nord du Yémen. »
Continuons, jusqu’à l’abjection finale : « Indispensables aux frappes ciblées, les pod Damoclès équipent aussi des avions de combat émiratis « made in France ». C’est le cas du Mirage 2000-9, dont on sait désormais avec certitude qu’il « opère au Yémen ».
Allez, encore un ptit pour la route : « D’autres équipements aériens exportés par la France sont directement impliqués dans la guerre. Le Cougar, un hélicoptère de combat chargé du transport des troupes saoudiennes. Ou l’avion ravitailleur A330MRTT. Airbus en a fourni six à l’Arabie saoudite et trois aux Emirats arabes unis. Les neuf gros-porteurs assemblés à Toulouse jouent dans les airs un rôle déterminant : ils sont capables de ravitailler en kérosène plusieurs chasseurs de la coalition en même temps. »
Et le bouquet final : le blocus maritime qui tue les yéménites par la faim et la maladie.
« Depuis le printemps 2015, les bâtiments de guerre de la coalition filtrent les accès par la mer au port d’Al Hodeïda. Officiellement, les navires saoudiens et émiratis font respecter l’embargo de l’ONU sur les armes à destination des Houthis en inspectant des chargements suspects. Mais, en réalité, ils bloquent la nourriture, le carburant et les médicaments d’importation qui devraient approvisionner plus de 20 millions de Yéménites. Des entraves fondées sur une « base manifestement arbitraire », d’après un rapport du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés de l’ONU (HCR) publié en août 2018. »
« En affirmant publiquement que la levée de ce blocus est « la priorité » de la diplomatie française, la ministre Florence Parly omet un élément capital dont la DRM l’a pourtant informée : deux navires de fabrication française « participent au blocus naval » qui affame plusieurs millions de Yéménites. La frégate saoudienne de classe Makkah et la corvette lance-missiles émiratie de classe Baynunah. Cette dernière contribue aussi « à l’appui des opérations terrestres menées sur le territoire yéménite », précise la note.
En français ? Elle bombarde la côte.
Bien sûr, il y a toutes les preuves possibles à l’appui de ces affirmations (photos satellites, notes confidentielles fuitées et jamais démenties par le ministère, etc.) affirmations et révélations qui, rappelons-le, ont été faites dans une enquête révélatrice publiée en 2019, dans l’indifférence quasi généralisée du camp du Bien et de ses séides, soutiens, playmobils et autres BHL adeptes du fait qu’aujourd’hui, il faudrait saluer l’action de macron pour la paix, que chaque français « fasse sa part » en donnant pour l’Ukraine ou même, en allant se faire buter dans une tranchée aux côtés de l’héroïque peuple ukrainien. Passons sur les trémolos à chaque bombardement coûtant la vie à des gosses, des femmes, ou même tout simplement : des êtres Humains.
Mais vous l’avez compris, pour le Yémen, pour le peuple yéménite, pour son calvaire qui dure depuis 8 ans, et dont nous, français, sommes directement responsables car c’est l’argent de nos impôts qui finance ces ventes d’armes…il n’y a rien.
Conclusion ?
Je vais finir ma petite histoire.
Pour résumer, un petit groupe de syndicalistes CGT marseillais apprend l’existence de cette enquête, et concomitamment que ce chargement de munitions, destiné à aller tuer des civils au Yémen, arrive pour être chargé et expédié de Marseille. Chargement en souffrance sur les quais du port de commerce de la Joliette donc.
On peut reprocher beaucoup de choses aux syndicalistes CGT (surtout aux dockers !), mais certainement pas le fait d’être des va-t-en-guerre : aussitôt la chose connue, vu que le bateau contenant cette marchandise de mort s’était déjà fait refouler par les dockers (CGT) du Havre, il avait donc été dérouté sur Marseille, pour remplir et partir en Arabie Saoudite.
Le camarades du Port sont contactés : ils font une Assemblée Générale, et décident à l’unanimité de refuser de charger ces saloperies.
Présents sur le quai le jour de l’arrivée du porte containers, les caisses restent à terre. Rien n’y fait : les contremaitres arrivent, menacent (« abandon de poste, refus de travailler, etc) mais les dockers tiennent bon. Ils chargent ostensiblement d’autres caisses, à la place, tout en « perdant » les caisses de munitions sur le quai, les noyant sous d’autres marchandises…
Les caisses en question reprendront la route, et seront chargées beaucoup, beaucoup plus loin, en Espagne pour être précis…leur trace se perd là-bas, bien que certaines rumeurs affirment que les dockers espagnols y ont aussi mis leur grain de sel.
Voilà pour la petite histoire que je voulais livrer à tous les donneurs de leçons planqués derrière leur clavier, à tous ces résistants à la Einthoven, qui se placent dans le camp du Bien, mais laissent tranquillement, sans sourciller, le mal advenir. Et ferment constamment les yeux.
Vos indignations sélectives sont dégoûtantes. Vous êtes dégoûtants.
L’Histoire vous jugera : en ce qui nous concerne, nous faisons de notre mieux, chaque jour, où que nous nous trouvions, pour combattre l’injustice. C’est un combat de tous les instants : pas uniquement quand on nous ordonne de le faire, à la télé ou ailleurs.
Et d’où qu’elle vienne : d’Ukraine ou du Yémen, ou de tant d’autres endroits où la maltraitance, les souffrances, sont légion.
Dans l’entreprise, face aux exploiteurs, aux oppresseurs, aux marchands de sommeil ou de mort, de tout poil.
Alors que vous n’en êtes que les complices.
Je dédie ce billet aux 250 000 victimes civiles de la guerre au Yémen.
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