L’action militaire de la Russie en Ukraine a entrainé une réaction unanime dans presque tout l’Occident, donnant souvent une image incomplète de la situation. Côté français, à commencer par le président Macron qui revêt son costume de chef de guerre pour la seconde fois, c’est un immense soutien à l’Ukraine et à l’OTAN qui est affiché, jusque sur l’interface de TousAntiCovid !
Aujourd’hui, pour apporter un autre point de vue sur la question, FranceSoir accueil Emmanuel Leroy, politologue et spécialiste de la Russie. Il est aussi président de l’association humanitaire « Urgence Enfants du Donbass », spécialiste de l’évaluation des risques professionnels dans les entreprises et les collectivités locales, et observateur assidu de la Russie, sujet sur lequel il a commencé à travailler dès le milieu des années 80, lors de la mise en place de la perestroïka et de la glasnost par Mikhaïl Gorbatchev.
Au cours de cet entretien, FranceSoir traitent l’origine historique de ce conflit, le rôle de la Russie, ainsi que les raisons pour lesquelles la classe politique française condamne ces actes militaires, jugés comme une déclaration de guerre. Emmanuel Leroy se penche aussi sur le rôle des États-Unis dans ce conflit, et apporte ainsi un autre éclairage.
« La crise ne date pas d’il y a quelques semaines »
Pour remettre les choses en perspective, le politique revient sur l’aspect historique de la crise en Ukraine, assurant que les médias « mainstream » sont « loin d’approcher seulement la vérité. » À contre-courant, il explique que « la crise immédiate prend sa source avec le coup d’État du Maïdan de 2014, très clairement soutenu par les Occidentaux. » Depuis cette date, selon le politologue, tous les gouvernements qui se sont succédés à Kiev sont illégitimes, si ce n’est illégaux.
Emmanuel Leroy lie aussi ce qu’il se passe en Ukraine à la guerre en Syrie, car les « mêmes protagonistes » sont impliqués. « Là aussi, c’est une volonté des puissances anglo-saxonnes d’occuper le terrain du Rimland [ensemble des zones qui sont autour de la Russie, dont fait partie la Syrie], où ils voulaient créer de l’insécurité ou de la distorsion pour affaiblir la barrière protectrice de la Russie. », explique-t-il.
Par ailleurs, il explique que l’Ukraine est historiquement une terre russe et que leurs peuples sont liés, aujourd’hui encore. Cette carte l’illustre bien :
Et, eu égard à l’unanimité des réactions occidentales, M. Leroy conclut que « l’intégralité des élites de ces pays occidentaux sont tombés dans l’hégémonie anglo-saxonne, et sont priés de faire ce que la doxa leur demande, et de ce fait, ils n’ont plus aucune liberté de manœuvre. » Ce qui a donné lieu à « un déluge d’annonces identiques », comparables selon lui à un « ravissement des esprits, une propagande qui est l’équivalent, en termes militaires, d’un bombardement démesuré. »
Une réaction « annoncée depuis longtemps »
Emmanuel Leroy, toujours pour contrebalancer le discours occidental, rappelle le discours de Munich de 2007, lors duquel « Vladimir Poutine assurait déjà que la menace que l’Occident faisait peser en termes militaires sur ses marches, notamment sur tous les anciens pays de l’ex-Union soviétique (pays rouges sur la carte ci-dessus, ndlr), n’était pas acceptable sur le long terme. » La patience est une vertu, mais depuis 2007, « cette pression est allée crescendo », selon le politologue. Bien qu’en l’état, l’entrée de l’Ukraine dans l’OTAN n’était pas possible, Emmanuel Leroy souligne que l’organisation internationale « était en train de s’installer dans le pays de manière officieuse et d’y installer des bases sans aucun accord valide sur le plan juridique, et l’Ukraine est à la porte de Moscou. » La Russie a donc réagi en conséquence.
« La Russie a aujourd’hui la capacité militaire pour faire reculer l’OTAN »
Rappelant « les vingt années de redressement militaire considérable » de la Russie, notamment sur le plan nucléaire, M. Leroy prédit pour les prochains mois « une situation diplomatique et militaire proche de celle de 1997, avant l’ouverture de l’OTAN aux pays baltes d’Europe orientale. »
Auteur(s): FranceSoir