Le printemps est arrivé. Les arbres bourgeonnent, les plantes se déploient. L’occasion de découvrir dans notre jardin un véritable garde-manger et des remèdes bien souvent méconnus. Allons à leur rencontre en compagnie de Nathalie, dans son jardin pédagogique et nourricier.
Nathalie Ranjon, fille de paysans, a grandi dans une ferme du Berry au sein de laquelle elle développera très jeune une passion pour le jardinage et la nature. D’abord pépiniériste-paysagiste, elle est aujourd’hui formatrice en paysage et maraîchage, et accompagne également les particuliers qui souhaitent créer des jardins comestibles. Son certificat de permaculture en poche, elle a développé le Jardin des harmonies, magnifique endroit au cœur de la Creuse que nous avons eu la chance de visiter, où, en plus de la beauté des lieux, on peut apprendre à se nourrir et à prendre soin de notre santé.
◆ Des vertus insoupçonnées
Observer, écouter la nature, préserver la biodiversité au quotidien, c’est ce que fait chaque jour Nathalie. Quand elle nous accueille aux côtés d’autres participantes pour cet après-midi dédié à l’observation et à l’identification de la flore locale, c’est avec des tisanes préparées à base de plantes du jardin. Avec en bouche la saveur de la mélisse ou du thym, c’est le moment de sortir son calepin et d’activer ses sens. La vue, l’odorat, le toucher, le goût vont être particulièrement sollicités, et nos habitudes, ébranlées : ce qu’on croyait être des « mauvaises herbes » ou de petites fleurs uniquement bonnes à être mises en bouquet vont s’avérer regorger d’autres vertus.
◆ Un panorama printanier non exhaustif
Teinture mère, macérat huileux, décoction, cataplasme, tisane, hydrolat, pesto, gratin, potage, etc., la liste de ce que nous pouvons réaliser avec les plantes est longue.
Nathalie nous demande de fermer les yeux, de choisir l’une d’entre elles disposées dans un pot qu’elle nous tend, de la sentir, de la toucher, de la goûter et de nous en imprégner, avec pour mission de la retrouver dans le jardin lorsque nous partirons l’explorer, une fois nos yeux rouverts. Mais avant cette quête champêtre, Nathalie nous présente quelques plantes locales de base, dont voici un panel :
L’ortie (de la famille des Urticacées) : ses bienfaits sont nombreux. Tonique, reminéralisante, astringente et dépurative, elle est la plante la plus riche en protéines (jusqu’à 40 % en poids sec, plus que le soja) d’excellente qualité puisque équilibrées en acides aminés, mais aussi en fer et en calcium. Ses feuilles perdent leur caractère urticant en les chauffant. Elle peut se consommer sous forme de tisanes, dans des soupes, gratins, soufflés, etc. Elle s’allie particulièrement bien à la pomme de terre.
La porcelle (de la famille des Astéracées) : de prime abord, cette plante très courante ressemble au pissenlit. Ses feuilles sont en revanche rudes au toucher et couvertes de poils raides épars naissant de « petites verrues », ce qui lui vaut le nom de « peau de crapaud » en Occitanie. En mai apparaîtront au bout de sa tige de petits capitules jaunes. Même si elles sont râpeuses, les jeunes feuilles de la porcelle enracinée seront très goûteuses en salade. Un peu plus matures, il vaudra mieux les cuire.
Le lamier pourpre (de la famille des Lamiacées) : plante indicatrice des milieux riches en azote, l’odeur de ses feuilles assez forte se rapproche de celle de la menthe poivrée et elles seront plus douces sous forme de potage. Les fleurs roses peuvent se manger crues. Les feuilles lavées et broyées sont un excellent désinfectant et cicatrisant, que l’on utilise en cataplasme sur les plaies. Le lamier possède d’autres propriétés médicinales : astringent, il est antidiarrhéique et c’est aussi un diurétique.
La pâquerette (de la famille des Astéracées) : les feuilles de pâquerettes sont tendres, croquantes et légèrement aromatiques. Il faut les mélanger à d’autres plantes, car elles ont un arrière-goût un peu âcre et ont tendance à irriter la gorge, désagrément qui disparaît si on les fait cuire. Ses capitules décorent les salades. Elle est tonique, dépurative et expectorante.
Le pissenlit (de la famille des Astéracées) : efficace contre la rétention d’eau, les calculs rénaux, il facilite aussi la digestion. Il est riche en calcium, en fer, en sodium, en potassium, en provitamine A et en vitamine B2. Les jeunes feuilles de pissenlit font des salades très appréciées et on les ramasse fréquemment au printemps. Plus tard, on en prépare encore des soupes ou d’autres plats. On peut consommer également ses racines, revenues à la poêle ou longuement cuites en purée. Les boutons floraux peuvent être confits au vinaigre, et les capitules sont utilisés pour préparer une sorte de confiture ou un vin pétillant.
Le grand plantain (de la famille des Plantaginacées) : c’est une plante qu’on trouve communément sur les chemins où elle résiste aux piétinements. Les jeunes feuilles de plantain s’ajoutent aux salades, et leur saveur amère rappelle celle du champignon. Même plus âgées, les feuilles peuvent être cuites en soupes ou comme légumes. Leur action calmante sur les piqûres et cicatrisante sur les brûlures est remarquable. Bénéficiant d’une activité bronchodilatatrice et anti-inflammatoire, le plantain est indiqué en cas d’asthme, de bronchite, de pharyngite et de laryngite. Deux espèces voisines s’emploient aux mêmes fins alimentaires et médicinales : le plantain moyen et le plantain lancéolé.
La consoude (de la famille des Boraginacées) : elle peut être indiquée en cas de diarrhée, de gastro-entérite et de maladies du côlon comme la dysenterie. Elle soulage les ulcères digestifs et les cancers gastriques. La plante est utilisée pour réduire les rejets de sang par la bouche liés à la tuberculose. La consoude peut également être prescrite en usage externe pour cicatriser les plaies, les brûlures, les crevasses du mamelon et les gerçures. On peut appliquer la plante sur les fissures anales ou pour soulager la douleur des lésions osseuses et des ulcères aux jambes. Feuilles et racines ont une réelle action sur la consolidation des fractures et des ligaments déchirés. Les jeunes feuilles sont comestibles crues. Plus tard, il est préférable de les faire cuire. Du fait de sa teneur en alcaloïdes, il ne faut pas abuser de la consoude.
L’alliaire (de la famille des Brassicacées) : cette plante sauvage comestible, aromatique et médicinale se rencontre dans les forêts, les haies, les clairières et sur les bords de chemin ombragés. En mars, il est possible de récolter ses jeunes feuilles, qui ont un goût d’ail, ainsi que ses jeunes pousses. L’alliaire est appréciée pour son action diurétique (elle améliore le fonctionnement de l’appareil urinaire), vermifuge (elle combat les vers et parasites intestinaux), cicatrisante, antiputride (elle évite la putréfaction) et tonique (elle stimule l’organisme). Cette plante est surtout utilisée en usage externe pour traiter les plaies, les ulcères et les maladies de la peau telles que l’eczéma.
◆ La vigilance de mise
Nathalie nous met dès le départ en garde sur le risque d’intoxication et sur la grande vigilance dont il faut faire preuve. Elle préconise de bien apprendre les critères de reconnaissance des plantes et de ramasser uniquement celles que nous aurons formellement identifiées. « Ne vous hasardez pas à tester les plantes, ne serait-ce que des petits bouts. Certaines sont toxiques, voire mortelles, à très faible dose », nous rappelle Laurence Talleux dans son livre Mettez les plantes sauvages dans votre assiette. Bien les rincer, voire les baigner dans de l’eau mélangée à du vinaigre blanc pour enlever toutes les impuretés liées par exemple à l’urine et aux excréments de certains animaux. En cas de doute, les cuire pour éviter tout risque. Veiller également à ne pas faire de cures trop longues.
Autre recommandation : préserver le lieu de cueillette, en ne surprélevant pas de plantes et en ne le piétinant pas.
◆ Un apprentissage infini
Avant de partir avec notre teinture mère de pâquerettes concoctée sur place, Nathalie nous précise que ça n’est pas en quatre heures que l’on peut découvrir toutes les vertus des plantes, et que leur goût et leurs qualités nutritives et médicinales dépendent également du lieu où elles poussent ou de la posologie qu’on utilise. Cette introduction aux plantes sauvages comestibles et médicinales ouvre néanmoins une porte vers un monde végétal infini et surprenant qui s’adapte sans cesse aux contraintes environnementales. « Il est important que chacun découvre les plantes qui l’appellent et qui lui seront utiles. Les botanistes peuvent passer toute une vie à explorer le monde végétal, qui ne cessera de nous surprendre et de nous inviter à nous incliner devant son pouvoir immense », conclut Nathalie.
Pour aller plus loin, Nathalie nous conseille quelques ouvrages :
Les plantes aromatiques et médicinales de Lesly Bremness
Le guide nutritionnel des plantes sauvages et cultivées de François Couplan
Connaître, cueillir, utiliser les plantes sauvages de Thierry Thévenin
Récolter les jeunes pousses des plantes sauvages comestibles de Gérard Ducerf
Mettez les plantes sauvages dans votre assiette de Laurence Talleux
Précisions :
– Les informations contenues dans cet article ne peuvent en aucun cas remplacer la visite chez votre médecin ou se substituer à une prescription médicale.
– La plupart des descriptifs des plantes citées ont été tirés du livre Le guide nutritionnel des plantes sauvages et cultivées de François Couplan.
Source : ✰Magazine NEXUS